L'USFP et le PJD auraient mis en place une alliance secrète pour l'après 2007. Les socialistes, via les ex-membres du PSD, ont multiplié les ballons d'essai. Aujourd'hui, c'est le PJD qui dévoile une véritable feuille de route pour une alliance "sacrée". Durant ces dernières semaines, l'USFP (Union socialiste des forces populaires), tout en affirmant se l'interdire, a multiplié, sur les colonnes d'Attajdid, les ballons d'essai pour une éventuelle alliance avec le PJD (Parti de la justice et du développement) après les élections législatives de 2007. Aujourd'hui, et via la même publication islamiste, le PJD répond aux socialistes. Plus qu'un appel du pied, il s'agit d'une véritable feuille de route pour une alliance qualifiée d'"historique" avec un listing d'enjeux. Et pas des moindres. "Le mouvement islamiste, la gauche et la grande mission", tel est le titre choisi pour cet éditorial-feuille de route (Attajdid du 18 janvier 2006, 1ère page) qui mérite de figurer dans les annales d'un champ politique d'où disparaîtrait tout débat contradictoire. Deux "missions" y sont tracées pour la gauche arabe. La première est de participer activement, mais aussi de mener la transition démocratique dans le monde arabe et plus précisément au Maroc. La deuxième est d'établir contacts et coordination avec deux mouvements à référentiels différents, mais à objectifs stratégiques communs : les mouvements de gauche latino-américaine et les mouvements islamistes dans le monde arabo-musulman. L'ultime finalité d'une telle fusion est de faire face à l'hégémonie américaine, lit-on dans ce texte. A défaut, la gauche ne ferait que consacrer une réalité faite de régression, d'inertie et de dispenser davantage dans une lutte qui n'en servira nullement les intérêts, ajoute l'éditorialiste de "Attajdid". Cet appel, et les "grands défis stratégiques" qui vont avec, selon son auteur, ne s'adressent nullement aux adeptes des "petits rêves" obnubilés par des "fausses batailles", mais plutôt aux "grands esprits politiques de la gauche éclairée" soucieux de jouer un rôle stratégique dans une nouvelle voie. Retournement de la situation, c'est la gauche Marocaine qui est appelée par l'auteur de cette feuille de route à "clarifier ses objectifs" et pour la transition démocratique et pour une action commune avec la gauche latino-américaine et les islamistes. Pour leur part, les islamistes marocains sont appelés à changer de discours et de mode de conduite pour prendre part à cette "grande mission". Le tout donne un "grand projet" que doivent réaliser les "braves" convaincus de "la force des idées et leur capacité de déboucher sur des alternatives". La "grande mission", conclut cette feuille de route, nécessite que soient normalisées les relations entre les deux entités et qui ont été longtemps victimes de beaucoup d'"incompréhension" et de "doutes". En plus des nécessaires capacités d'écoute et de confiance dans le pouvoir d'autrui à influer l'histoire. Cette feuille de route commence par rappeler l'exemple de l'Amérique Latine où l'enjeu n'est plus de lutter pour arracher pouvoir et gestion des affaires publiques, mais de faire face à la mondialisation et à l'hégémonie des Etats-Unis. C'est, selon l'éditorialiste du journal islamiste, ce qui a conduit à une fusion entre les thèses religieuses et les thèses révolutionnaires de la gauche. Tout cela pour en arriver à la conclusion que cette tendance s'impose dans le monde arabo-islamique avec l'apparition de nouvelles forces politiques, à référentiel islamique, faisant de la question sociale et de la réforme politique l'ossature de leurs programmes. Ou pour dire encore que la gauche arabe, tout en étant intéressée par le modèle latino-américain, n'a pas pu rompre avec un passé de confrontation avec les mouvements islamistes. Aujourd'hui que la problématique de la reconnaissance des mouvements islamistes a été résolue, la lutte et le leadership politique ne pourraient être l'apanage d'un seul bloc. L'enjeu est de taille et ne saurait être relevé par une seule partie: faire face à l'hégémonie américaine et sioniste. Le PJD a fini ainsi par se prononcer quant aux multiples "sollicitations" dont il a fait l'objet de la part des socialistes et dont les "promoteurs" ne se cachaient pas pour dire que les islamistes ont leur place (même pour Al Adl Wal Ihsane) dans la gestion des affaires du pays y compris au sein du gouvernement. L'après-scrutin de 2007 nous renseignera mieux sur un long processus de "normalisation" et de "dédouanement".