S'allier avec le diable s'il le faut, pourvu de ne pas quitter le confort douillet des fauteuils ministériels. Etre expédié sur les bancs de l'opposition, ce n'est pas la joie. Les partis traditionnels, chacun de son côté, font preuve d'un courage politique spécifiquement marocain : les yeux doux au PJD. Alors que deux ans nous séparent des législatives de 2007, la cadence des allégeances s'est un peu accélérée dans une ambiance préélectorale très prononcée. Plus de doute, la classe politique, unanime et unie dans son admiration grandissante des amis d'Al Othmani, s'est rendue à ces derniers avant même d'avoir livré combat. Même l'USFP, que l'on croyait allergique aux thèses islamistes, âpre au combat démocratique, commence à basculer : par la voix d'un membre de son Bureau politique, ex-fondateur de l'OADP, cette formation a récemment clamé sans rire sur les colonnes d'Attajdid que le salut du Royaume se trouve dans une “entente historique“ entre l'USFP, l'Istiqlal et le courant à référentiel islamiste ! L'auteur de cette belle trouvaille, qui a conforté les amis de Ramid dans leur foi en un destin national, peut toujours arguer que ce propos n'engage que lui. Mais quand on est un acteur politique, on parle d'abord et surtout au nom de son parti. L'Istiqlal, lui, a été le premier à flirter avec les islamistes légalisés dont il a bien soupesé la force. Voilà que d'autres formations comme l'USFP et le RNI commencent à lui faire de la concurrence. Ce n'est pas fair-play, il aurait fallu penser à interdire dans la nouvelle loi sur les partis ce que les députés de la lampe assimileraient sans difficulté à de la polygamie politiquement intéressée. En fait, le Maroc partisan, déjà malade, est décidément mal parti. Il devient de plus en plus clair que derrière chaque sigle politique se cache un allié du PJD. Se sacrifier pour une cause qui gagne, faire l'économie de la lutte et du débat est l'expression d'un degré de maturité politique incontestable. Cela dit, il ne faut pas accuser la girouette, c'est la faute au vent islamiste - parti le moment venu pour virer au tsunami - qui la fait tourner. Toutes les digues sont en train de céder. Pour Mohamed Elyazghi, Abbas El Fassi, Ahmed Osman, Abderrahim Lahjouji et Noureddine Ayouch, c'est déjà acquis, le PJD, qui a l'intention de couvrir l'ensemble des circonscriptions du pays, raflera la prochaine mise électorale et partant s'imposera comme la principale force gouvernementale. Pas de choix autre donc que de préparer d'ores et déjà les alliances post-électorales en vue de jouer les forces d'appoint pour une puissance islamiste imminente installée aux commandes. D'où les offres de services des uns et des autres. S'allier avec le diable s'il le faut, pourvu de ne pas quitter le confort douillet des fauteuils ministériels. Etre expédié sur les bancs de l'opposition, ce n'est pas la joie. Les troupes du PND et de l'UC en savent quelque chose. Après avoir goûté par le passé aux délices du pouvoir, elles ont été mises, à la faveur d'un changement d'époque brutal, à la diète politique. Le PJD, lui, est assuré d'aller à la soupe. Mais avec qui ?