A présent, le langage de cet originaire du Maroc est bien celui de la gauche, en politique et en économie. Sa conduite est populaire, touchante et chaleureuse. De nombreux analystes constatent que dès son élection, Amir Peretz a proclamé l'enterrement de la discrimination «ethnique» : mais, il a fait le contraire. Non seulement il n'a pas fait oublier son origine marocaine, - il est né à Boujad et est arrivé, en Israël, à l'âge de 4 ans -, il l'a remise au centre de la scène politique. «Il lui a insufflé vie et l'a transformée en thème principal des prochaines élections», lit-on dans le journal Haaretz. Il n'a pas eu besoin du prétexte communautaire, dans sa campagne pour la conquête du parti travailliste. Mais son parcours il ne l'a pas fait seul, malgré son talent: le syndicat et son origine marocaine étaient là… Lors de la grande manifestation, sur la place de Tel-Aviv, pour la célébration du dixième anniversaire de l'assassinat d'Itshac Rabin, devant plus de 100 000 personnes, Amir Peretz a rejoint Bill Clinton, la chemise ouverte et sans veste ni cravate. Il a expliqué, raconte l'éditorialiste du journal Yediot Aharonot, Nahoum Barnéa, à l'ancien président des Etats-Unis : «Le camp de la paix, la gauche en a fait un concept élitiste. Je dois en faire un concept populaire. Je dois convaincre les masses des intérêts qui les serviraient». En réponse à Bill Clinton qui l'interrogea sur ses projets économiques, Amir Peretz a ajouté «Je veux augmenter le salaire minimum et on m'attaque, déjà, sur cela». Clinton lui rappela qu'à son arrivée à la présidence, il avait fait de même et la croissance économique du pays était venue, ensuite. Ainsi, Amir Peretz pourra dire « qu'il s'inspirait de Clinton et non de Staline». Dans sa rencontre de jeudi dernier, avec Ariel Sharon, il était arrivé bien préparé. Au cours d'un entretien de moins de 30 minutes, Amir Peretz a dit tout ce qu'il voulait pour répondre au chef du gouvernement. Celui-ci avait tout d'abord affirmé : « En toute amitié, vous faites une grave erreur, en voulant précipiter la date des élections. Nous aurions pu faire de grandes choses, ensemble, jusqu'à la fin de la législature ». En réponse Peretz avait rétorqué : «Voyez comment vous êtes contraint de plier l'intérêt national aux pressions de groupes d'intérêts, ou de groupes parlementaires hostiles. Il ne faut pas gaspiller le temps, aussi bien pour vous que pour le pays». En conclusion, des élections anticipées sont fixées au mois de mars. Après une campagne électorale de 4 mois. Trop longue, peut-être, pour Sharon qui devra décider, sans attendre, s'il reste à la tête du parti du Likoud ou s'il crée un autre parti. L'éditorialiste déjà cité, considère que la politique de force d'Amir Peretz, après son élection à la tête du parti travailliste, a fait ses preuves. Il a prouvé que le leadership ne se donne pas, il se prend. Il a démontré qu'il n'abordait pas un problème de style, mais de fond. Au moins quatre partis religieux ou de droite le présentent comme un gauchiste, voire un bolchévique anachronique, en matière économique. Il n'a pas d'expérience, disent-ils, pour diriger «un pays qui lutte pour son existence». Pourtant, les premiers sondages lui donnent, sans attendre, 28 sièges aux prochaines élections législatives. Alors que le parti travailliste, -malgré ses 19 députés-, était, hier encore, considéré comme moribond. Amir Peretz, à présent, peut dire ce que Shimon Peres n'osait pas dire. Il peut assurer, qu'en cas de besoin, il fera entrer des députés arabes dans son gouvernement ; il pourra poursuivre le processus d'Oslo et démontrer que l'occupation militaire de territoires, est à l'origine de la détérioration morale et de la violence dont souffre la société israélienne. Un analyste du journal Haaretz, va jusqu'à rappeler ce qu'un électeur de Sdérot, a dit : «Il n'y a pas de doute, l'élection d'Amir Peretz représente celle de quelqu'un qui est «monté » du Maroc et nous relève la tête ». D'autant que certains ajoutent «Contrairement à l'opinion admise, le vote de droite des originaires du Maroc n'a pas seulement une motivation politique. Il est bien le fruit de la discrimination communautaire et d'une haine de la gauche, parce qu'elle est ashkénaze. Donc un vote de protestation, un règlement de compte, sera une revanche sur l'humiliation dont nos parents et nous, avons été victimes»... A présent, le langage d'un originaire du Maroc, Amir Peretz, est bien celui de la gauche, en politique et en économie. Sa conduite est populaire, touchante et chaleureuse. C'est cela qui va compter dans sa campagne électorale au titre du parti travailliste. Au titre du Parlement (la Knesset), mais aussi, pourquoi pas, affirment ses proches, pour la présidence du Conseil, pour le pouvoir... On peut demander l'avis de Bill Clinton qui répondra qu'il est difficile de s'opposer à quelqu'un qui «vous enlace avec chaleur». C'est un changement qui va semer la panique au Likoud, de Netanyahou ou des «rebelles» d'extrême droite. Les religieux orthodoxes du Shass, sont également très inquiets. Ils comprennent, clairement, que Amir Peretz leur a «volé» leur carte maîtresse, celle qui explique le transfert en leur faveur des votes des Orientaux et la victoire des orthodoxes sépharades aux dernières élections législatives: la haine de la gauche, aujourd'hui dépassée ... Dans une interview, publiée dans le grand journal populaire, Yediot Aharonot, vendredi dernier, Amir Peretz se pose formellement comme un candidat à la tête du gouvernement, après une victoire aux prochaines élections. Il a, tout d'abord affirmé «le parti a atteint un tel creux qu'il ne peut que ressusciter». Certains des ministres travaillistes, ont critiqué sa déclaration sur la reprise de l'accord d'Oslo, en particulier Dalia Itsik pourtant très liée à Shimon Peres. Pour Amir Peretz, qui déclare son estime et son admiration pour «l'ancien», mais considère que «pour faire passer le message travailliste il est nécessaire que le parti soit uni dans le combat, pour faire tomber le gouvernement de la pauvreté du Likoud». Au cours d'une semaine mouvementée, Amir Peretz a été catégorié comme «un dirigeant ouvrier qui s'obstine à parler d'Oslo, de collaborer avec des ministres israéliens arabes et effraie les hommes d'affaires par sa politique sociale améliorée». Il insiste «Je ne suis pas disposé à changer de caractère, et je m‘élève avec véhémence contre les critiques au sujet des accords d'Oslo. La feuille de route n'est-elle pas une solution jumelle d'Oslo, simplement, sous une autre appellation ? Tout le monde sait qu'il faut arriver à une solution pour un Etat palestinien. Tout le monde parle de legs de Rabin, en restant dans le vague. Pour moi, je le dis clairement, mon plan est d'arriver, par la négociation, à un accord de paix. Quant à un ministre arabe dans mon gouvernement, cela me paraît de nature à faire baisser la tension dans la population arabe israélienne: c'est là, un intérêt national évident». Il tient, à plusieurs reprises, à confirmer son programme social pour faire d'Israël une sociale démocratie : «Comme première mesure, j'augmenterai le salaire minimum, j'édicterai une loi accordant une pension à tous, je combattrai pour les droits des travailleurs dans les sociétés de main-d'œuvre et pour la promotion des jeunes dans le financement de leurs études. Ainsi qu'un fonds d'investissement financé par les bénéfices des sociétés publiques, en changeant les priorités du budget de l'Etat. J'affirme encore, qu'un accord avec les Palestiniens donnera un coup de fouet à l'économie israélienne. Et je lutterai contre la corruption, en créant un mécanisme en faveur de la transparence». Poursuivant ses affirmations sur son programme et ses principes, Amir Peretz, déclare : «Je n'ai aucune intention de poursuivre la folie des investissements dans les colonies en Cisjordanie ... Pendant des dizaines d'années, le rêve du Grand Israël, a englouti les budgets qui revenaient à l'éducation, aux infrastructures et à la culture en Israël. Une solution sera trouvée à la question des blocs de colonies, par la diplomatie qui a les moyens de les trouver dans une négociation commune. C'est aussi le moment de reprendre la négociation avec la Syrie, qui est isolée : c'est notre intérêt et celui de la Syrie. Concernant la sécurité, dont je ne suis pas spécialisé, des hommes d'expérience en assureront la responsabilité au sein du gouvernement et de l'armée». Il dit, par ailleurs, clairement : «Je m'oppose, par principe, aux gouvernements d'union qui sont préjudiciables à la démocratie. Car, il faut une opposition qui représente un changement, une alternative». Pour répondre, enfin, à la réflexion du journal «Le ticket social n'a jamais triomphé», Amir Peretz affirme : «Je suis un général, non sur le plan militaire mais sur le plan social». Et précise, en conclusion «Je suis fier de mes origines marocaines. Cela à lui seul ne me définit pas, mais c'est une partie de mon identité. Elu maire à Sdérot, on m'avait dit : comment un Marocain comme toi, dont les parents ont été victimes des discriminations du Mapaï (le parti travailliste ancien), tu votes pour eux ? Ma réponse a été: je refuse de me laisser enfermer dans une cage émotionnelle. L'honneur perdu par mon père, autrefois, ne doit pas m'empêcher de penser par moi-même et d'oublier mon intérêt (sur le plan personnel et sur le plan national). En réalité, il m'a libéré, pour toujours, de tout devoir de revanche ...».