Quand on s'obstine à enchaîner les mandats avec en plus une idée très personnelle de la gestion locale ou nationale conjuguée au sentiment d'impunité, on tombe forcément dans beaucoup de travers. Un homme de théâtre doit réussir sa sortie. L'homme politique aussi. Au Maroc, ce dernier, à trop vouloir s'accrocher au pouvoir et à ses privilèges, finit souvent mal en sortant à son corps défendant par la petite porte. Les exemples ne manquent pas. Le dernier en date qui illustre parfaitement cette spécificité marocaine concerne Abderrazak Afilal empêtré dans un grand scandale politico-judiciaire relatif au fameux projet Hassan II à Aïn Sebaâ. De témoin, son statut a viré à celui d'accusé. Ainsi en a décidé récemment le juge d'instruction près la Cour d'appel de Casablanca qui lui est apparu d'après les multiples séances d'auditions de l'intéressé que celui-ci est en collusion avec le duo Slimani-Laâfora. Un duo, toujours en prison, sur lequel pèsent de lourdes accusations dans une série de dossiers sujets à caution. Figure importante du parti l'Istiqlal, baron parmi les barons de Casablanca, membre de la Chambre des représentants, leader d'un syndicat qui a pignon sur rue du nom de l'UGTM, il collectionne plusieurs casquettes. Le voilà qui devient star judiciaire après avoir été star politique, rattrapé par la justice pour son passé de président pendant plusieurs mandatures de la commune de Aïn-Sebaâ. Quand on s'obstine à enchaîner les mandats avec en plus une idée très personnelle de la gestion locale ou nationale conjuguée au sentiment d'impunité, on tombe forcément dans beaucoup de travers. On accumule les erreurs. En un mot, on s'oublie… C'est ce qui est arrivé à M. Afilal qui affronte de surcroît une fronde persistante au sein de son syndicat dont certains membres qui se prennent pour un parangon de vertu lui reprochent sa manière autocratique de gérer les affaires de la maison alors qu'ils se sont accommodés depuis toujours du leadership du patron aujourd'hui honni. Pauvre Afilal ! Livré à lui-même, lâché par son parti, abandonné par ses amis d'hier, Il doit éprouver des sentiments diffus. D'abord et surtout celui du changement profond que le pays est en train de connaître. Un changement qui fait que les hommes politiques indélicats sont devenus des justiciables comme les autres et dont le sort peu enviable n'émeut plus grand monde. Finis les parapluies. Bonjour les ennuis. Propulsé brutalement au-devant de la scène judiciaire, il débarque mardi 18 octobre au tribunal où l'attend le juge d'instruction pour une nouvelle audition avec une camarilla d'hommes de main bien baraqués. Si ce n'est pas du chantage, cela y ressemble beaucoup. Afilal voudrait-il signifier qu'il n'est pas totalement impuissant et qu'il n'a pas encore abattu toutes ses cartes ? Pense-t-il qu'il peut immobiliser le pays avec l'arme syndicale ? Tout à sa griserie, Abderazzak Afilal n'a jamais pensé se retrouver un jour devant les juges. Tout ce qu'il doit espérer in petto, c'est que ces derniers abandonnent les poursuites à son encontre en concluant à un non-lieu.