La fragmentation des chaînes de valeur a profondément transformé la configuration du commerce mondial. Conception, logistique, produits et services nécessaires... la fabrication d'un produit final peut être répartie sur un grand nombre de pays faisant de l'appréciation de ces évolutions une tâche complexe. C'est dans ce sens qu'une étude récemment dévoilée par Policy Center for the New South se propose d'apporter des pistes de réflexion sur l'émergence du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales prenant en modèle quatre industries performantes dans le pays, à savoir les phosphates, l'automobile, le textile et l'agri-business. Diagnostic Pour les experts de PCNS, le Maroc fait déjà partie des pays où le modèle d'intégration des chaînes de valeur mondiales (CVM) est en perpétuelle amélioration assurant qu'à ce niveau le Maroc est compétitif par rapport à de nombreux pays africains. De plus, le Royaume a lancé en 2021 un nouveau modèle de développement comprenant le développement durable et l'innovation dans l'industrie. L'objectif de cette analyse est d'adopter une nouvelle approche visant à mieux intégrer le Maroc dans les chaînes de valeur mondiales tout en servant les intérêts socio-économiques du pays. Il s'agit également de réfléchir à des programmes d'investissement pertinents et innovants dans lesdites quatre chaînes de valeur. Un regard sur la performance de l'intégration de l'économie marocaine dans les CVM montre dans quelle mesure le pays est engagé dans le développement de ses chaînes. Cependant, la participation du Maroc à certaines de ces CVM n'atteint pas encore ses objectifs, en particulier en termes de valeur ajoutée, d'innovation des PME (faible prise de risque) et de l'emploi. A cela s'ajoute la problématique liée à la dépendance au marché européen. Pour les experts du PCNS, le Maroc aura besoin de partenaires étrangers de confiance pour le transfert de la technologie et pour renforcer le marché intérieur, mais la priorité devrait être accordée aux investisseurs et entrepreneurs nationaux afin de limiter les risques liés aux grandes firmes internationales qui n'hésitent pas à couper les ponts en cas de difficultés. Positionnement et défis Le secteur agroalimentaire occupe une place vitale dans l'économie marocaine. En effet, il contribue à hauteur de 4% du PIB et assure plus de 161.000 emplois directs à travers 2.100 entreprises nationales et étrangères. A l'export, il est classé troisième (après l'industrie automobile et les phosphates), avec une valeur ajoutée à l'exportation de 3,9 milliards de dollars. Ce secteur est très diversifié, le Royaume est un gros producteur de poissons, de tomates, d'agrumes, d'olives, et de l'huile d'argan. Ce qui est un atout majeur pour le développement de l'agro-industrie. Il faut dire que le Maroc fait partie des nations à forte tradition agro-alimentaire et sait s'adapter aux nouvelles mutations industrielles, sociales et aux défis environnementaux. Ce secteur fait face à plusieurs défis dont le changement climatique et la gestion des ressources en eau en période de stress hydrique. Avec une chaîne de valeur agroalimentaire qui s'appuie sur une forte agriculture, le Maroc a réussi à créer des champions nationaux comme Cosumar, Lesieur ou encore Copag Jaouda, expliquent les auteurs de cette analyse. Du côté du secteur automobile, il a connu une croissance importante durant ces dernières années et ce n'est près pas de s'arrêter. Avec une capacité de production de plus de 700.000 véhicules par an et une valeur ajoutée à l'exportation de 8 milliards de dollars, l'industrie automobile marocaine est devenue le premier secteur d'exportation au Maroc. La modernisation de ses infrastructures (TGV et port de Tanger Med) fait du pays une plateforme de poids dans la chaîne de valeur automobile reliant l'Afrique et l'Europe. Ce secteur connaît de nombreux challenges dont l'accélération du processus de décarbonation pour s'aligner sur la quatrième révolution industrielle, l'amélioration de la valeur ajoutée locale, le renforcement de la recherche et développement, la qualification des ressources humaines sans oublier le défi de la «e-mobility». Concernant les phosphates, le Maroc est un acteur majeur sur le marché international de ce secteur. Il détient plus de 70% des réserves mondiales de roches phosphatées. Ainsi, le Groupe OCP a mis en place un vaste programme d'investissement (20 milliards de dollars) dont l'un des piliers est la recherche et développement tout au long de la chaîne de valeur. Selon cette étude, il est important pour ce secteur d'améliorer l'intégration locale et réussir le défi du développement durable. S'agissant de l'industrie du textile et habillement, elle devrait être redéfinie autour du «made in Morocco». Ce secteur joue un rôle socio-économique important puisqu'il représente 1.600 entreprises et emploie directement 189.000 personnes. Le textile et l'habillement génère un chiffre d'affaires à l'exportation d'environ 36,5 milliards de dirhams et une valeur ajoutée de 16 milliards de dirhams. Toutefois, le Maroc importe des produits textiles et a considérablement souffert de la concurrence chinoise. Quelques opérateurs restent actifs, faisant preuve de beaucoup de résilience dans cet environnement très concurrentiel, selon la même source. Parmi les principaux défis de cette activité industrielle on citera par exemple le e-commerce et le développement technologique, la durabilité ou encore la recherche et développement.