La dynamique et le profil de l'intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales sont passés au crible par la Direction des études et prévisions financières (DEPF). L'idée étant de déterminer le niveau de participation de l'économie nationale aux chaînes de valeur internationales aussi bien en amont qu'en aval. Il est également question d'identifier les origines et les caractéristiques du déficit commercial au niveau national. Un positionnement amélioré Pour la DEPF, le Maroc a réussi, en l'espace de quelques années, à améliorer son positionnement dans les chaînes de valeur mondiales. Bien que des disparités notables persistent au niveau des différents secteurs productifs, une augmentation modeste à la fois de l'incorporation de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations nationales et de la valeur ajoutée locale dans les exportations des pays tiers a été observée ces dernières années. «En l'espace de 13 ans, le Maroc a gagné 7,6 points dans sa participation dans les chaînes de valeur mondiales pour s'établir à 46,7% en 2018 sous l'effet, principalement, de la composante relative à la participation en amont (5,1 points). Cependant, sa participation en aval a affiché une amélioration de 2,6 points entre ces deux dates en passant de 12,7% à 15,3% entre 2005 et 2018», peut-on lire du Policy Brief de la DEPF. Et de préciser que «ce résultat dénote une dépendance des entreprises nationales à l'égard des intrants étrangers, supérieure à celle des entreprises exportatrices étrangères à l'égard des produits intermédiaires marocains». Il ressort par ailleurs que le taux de participation du Maroc aux chaînes de valeur mondiales en 2018 est similaire à celui de pays tels que le Mexique, la Roumanie, la Russie ou le Chili. Il demeure par ailleurs supérieur à d'autres pays comme la Turquie, le Brésil et l'Inde. Compte tenu de leur insertion croissante dans les chaînes de valeur, notamment européennes, des pays comme la Hongrie et la Slovaquie présentent des taux de participation plus importants que le Maroc. La dépendance à la demande étrangère persiste La DEPF observe en outre un accroissement de la dépendance de la production nationale à l'égard de l'étranger sur la période allant de 2005 à 2018. Elle est passée du côté de l'offre de 13,3% à 16,1%. Celle de la demande se situe autour de 11,7% en 2018 contre 8,2% en 2005. Pour ce qui est de la dépendance sectorielle du tissu productif marocain, elle est plus prononcée au niveau de l'offre étrangère qu'à la demande, et ce pour plusieurs branches du secteur manufacturier. «Plusieurs secteurs industriels importants, comme le textile-habillement, la chimie, la métallurgie, l'informatique, les équipements électriques, les machines et matériel d'équipement, sont ainsi plus dépendants par l'offre, dans la mesure où ces secteurs utilisent une grande quantité d'intrants importés», explique la DEPF dans son analyse. En parallèle, la dépendance à la demande étrangère est plus importante pour les produits alimentaires et autres produits minéraux non métalliques. Quant au secteur de l'agriculture et de la pêche, il présente la même dépendance à l'offre et à la demande étrangère. Les pistes à suivre La DEPF a formulé dans le cadre de son Policy Brief des recommandations pour permettre au Maroc de passer à des segments à plus forte valeur ajoutée et d'y impliquer davantage le tissu productif local à ces chaînes. Les défis à relever sont principalement liés à l'investissement dans le capital intellectuel. Ceci permettra d' améliorer la productivité, de différencier le produit fini de la chaîne et de renforcer sa présence sur les réseaux mondiaux. «Le haut niveau de la création de valeur à l'intérieur d'une CVM s'atteint souvent en amont, dans des activités particulières comme le développement conceptuel, la R&D ou la fabrication des pièces détachées et de composants essentiels, mais aussi en aval, par exemple dans les domaines du marketing, de la stratégie de marque ou des services à la clientèle», souligne la DEPF. Et de préconiser qu'il «convient d'assurer une cohérence entre l'offre de formation des compétences et les choix stratégiques de développement du pays et une meilleure connexion entre les centres de recherche et le secteur privé». Le renforcement de l'intégration au niveau régional figure également parmi les enjeux à relever. La DEPF estime qu'il pourrait constituer un tremplin pour une meilleure insertion du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales. Parmi les recommandations formulées par la DEPF on cite l'adaptation du code du travail. L'heure étant de simplifier ce code en prenant comme modèle les normes et les pratiques internationales sur des aspects comme les indemnités de licenciement, le recours aux contrats à durée déterminée, la flexibilité du nombre d'heures travaillées et la rémunération des heures supplémentaires. La DEPF recommande également d'améliorer la qualité des institutions et des administrations déterminantes dans la décision d'investissement. Ceci passe par la mise en œuvre des dispositions des mesures législatives et l'accélération de la mise en place de la Charte de déconcentration administrative en tant que jalon pour accompagner la dynamique territoriale et le soutien à la transformation digitale de l'administration. Il est également proposé de poursuivre l'amélioration de la qualité de la logistique et ce tenant compte de son rôle dans la facilitation des échanges et le développement des chaînes de valeur mondiales. Il convient, selon la DEPF, de mettre en place une stratégie de développement du fret (maritime, aérien, routier) à l'égard des pays de l'Afrique subsaharienne afin de promouvoir les échanges intrarégionaux et favoriser l'édification des chaînes de valeur régionales.