Avec Athènes, le périple pacifiste de 2003 à travers la Méditerranée arrive à sa fin. Il ne s'agit pourtant là que de la seconde édition de la croisière. La première, effectuée à bord du même destroyer, le « Constanta », a eu lieu en 2001. Flash-back. Après le banquet offert sur le «Constanta », place au travail. Plusieurs mini-bus étaient venus chercher les pacifistes sur le port « La Joliette », situé au fond de la Canebière. Destination : Théâtre Toursky. Ce Théâtre, baptisé du nom du poète Axel Toursky, devait abriter les Rencontres théâtrales de Marseille, qui coïncidèrent avec l'arrivée du bateau-spectacle. Joignable à une demi-heure à partir de « la Joliette », le Toursky devait ressembler, ce 22 juin, à une « tour de Babel » ; des gens de nationalités différentes s'y étaient retrouvés. Artistes, saltimbanques, poètes, écrivains et politiques ont répondu « présents ». Richard Martin, co-fondateur avec José Monléon de l'Institut international du théâtre méditerranéen (IITM), n'en croyait pas ses yeux ; il fut visiblement surpris que tant de monde ait répondu à l'appel. « Si on est réuni ici, c'est pour défendre le droit humain face aux outrances de la bêtise et de l'intolérance », a-t-il précisé, le cœur devant. « L'Odyssée » , -ainsi s'appellait le périple pacifiste-, n'était donc pas un petit tour de la Méditerranée sur la pointe des vagues. Il faut comprendre l'ampleur du message que cette croisière, croisade contre la guerre, contient et du rêve qu'elle emporte avec elle. Escapade poético-pacifiste, l'Odyssée a fini par prendre tout son sens en 2001 dans la réalité des eaux méditerranéennes. Le projet n'était évidemment pas le fruit du hasard, il était le résultat de dix années d'un travail patient, depuis la création en 1990 de l'IITM, lequel posa les principes d'un «théâtre debout » pour défendre le droit humain. Ce projet initié par Richard Martin, avec le soutien des sections de l'IITM créées dans vingt-quatre pays de la Méditerranée, portait une vision qui ne tardera pas à se traduire. Mis en route en juin 2001, donc à la veille des ignobles attentats du 11 septembre, ce projet devait alerter sur le danger terroriste qui guettait le monde. Par ce projet, il s'agissait de dire aux décideurs aussi : «ça suffit », la Méditerranée, qui concentrait les tensions les plus sanglantes au monde, devait retrouver sa réputation de « lac de la paix ». Si le destin du monde semblait être entre les mains d'une poignée de « politichiens », les artistes, eux, ne devaient pas rester les mains croisées. Le projet de Richard Martin, qui consistait à réhabiliter le rôle de l'artiste dans la défense des valeurs humanistes, trouve ici son plein sens. En rassembleur, il a su faire adhérer à son projet visionnaire plusieurs centaines d'artistes de la Méditerranée, de la rive nord mais aussi de la rive sud du bassin. De ce côté-ci, la mobilisation était certes un peu timide, mais elle était d'autant plus crédible et sincère qu'elle émanait d'artistes, d'écrivains, connus et reconnus pour leur action en faveur de la bonne cause : Ahmed Massaïa (ex-directeur de l'Isadac, Maroc), Omar Fetmouch (dramaturge, Algérie), Habib Belhadi (Familia-Production, Tunisie), sans oublier Fadel Jaïbi, l'un des dramaturges maghrébins les plus en vue aujourd'hui. De l'autre côté du lac, il faut d'abord saluer l'adhésion très symbolique des plus hautes autorités de Bucarest (Roumanie), qui ont bien voulu mettre à la disposition des pacifistes un navire de guerre. En plus du destroyer, la Roumanie a mobilisé la grande troupe du Théâtre Bulandra, conduite par deux grands professionnels de la scène, en l'occurrence Catalina Buzouyanu (metteur en scène) et Virgile (ex-directeur du Théâtre Bulandra). L'Espagne, et encore moins la France, n'étaient pas en reste. Nos voisins étaient représentés par une forte délégation, coiffée par le président de l'IITM, José Monléon, et constituée, entre autres, par Emilio Garrido (journaliste à la Radio nacional de Espana), et plusieurs comédiens. S'agissant de la France, toute l'équipe ou presque du Toursky, sans oublier une dizaine d'artistes, avait embarqué sur le « Constanta ». Au total, 200 pacifistes, sans oublier l'équipage militaire roumain, s'étaient trouvés ce jour-là au Toursky, pour les Rencontres théâtrales de Marseille et pour « L'Odyssée pacifiste ». Ces Rencontres avaient été marquées par un très beau spectacle intitulé « Poètes sans papiers », présenté par Richard Martin à la veille du départ du « Constanta » pour Sagunto (Espagne).