Clapotis en surface après la signature, jeudi 28 juillet, du nouvel accord de pêche entre le Maroc et l'Union européenne. Mécontents de ne pas avoir été consultés, des opérateurs le font savoir. Aux lendemains de la signature des accords de pêche entre le Maroc et l'Espagne, beaucoup de professionnels marocains affichaient la gueule de bois. De Khadija Doukkali, présidente de la Fédération des industries de la mer, qui n'a pas été «consultée», à Omar Akouri de la Fédération de la pêche en haute mer, «inquiet pour le devenir de la palangre», les réactions sont loin d'être euphoriques. La Chambre des pêches d'Agadir dénonce un accord qui va à l'encontre des armateurs marocains. Même le syndicaliste Abderrahmane Yazidi, souvent en bisbille avec le patronat, ne mâche pas ses mots à propos de la «démarche» faite sans «concertations», etc. Les critiques portent en général sur la forme. La délégation marocaine aurait profité de l'accalmie estivale pour signer en catimini, entend-on. «On l'a appris subitement comme tout le monde, par voie de presse», raconte un haut cadre de l'Omnium marocain des pêches (OMP), lequel tempère tout de même : «Attendons de voir avant de juger. Du moment que cet accord ne touche pas certains types de pêcheries, ce n'est pas dramatique. Tout dépend de la contrepartie!». L'accord de pêche est aussi critiquable sur le fond, dixit Omar Akouri, persuadé que le document paraphé jeudi 28 juillet à Bruxelles, remet en cause tous les projets conclus dans le cadre du partenariat Maroc-UE. «Cet accord n'impose de quotas que pour le pélagique, catégorie qui ne dispose pas encore d'un plan d'aménagement de la pêcherie. Rien n'a été dit pour la palangre. Comment va-t-on faire avec les sociétés opérant dans ce créneau, continueront-elles à observer les quotas?», s'interroge ce vieux routier du secteur. Ce pessimisme des armateurs offre un parfait contraste avec l'optimisme de l'équipe de négociation conduite à Bruxelles par le secrétaire général du ministère de la Pêche. L'un des membres de cette délégation est persuadé qu' «il n'y a aucune raison pour que les armateurs soient mécontents». Et de s'expliquer : «C'est un accord modeste en termes d'efforts de pêche». En tout, il y aura 119 bateaux communautaires dans les eaux marocaines. Dans l'ancien accord, il y avait 600 bateaux, ramenés par la suite à 400. C'est dire que l'effectif actuel ne dépasse pas le quart de l'effort de pêche consigné dans les accords antécédents. Qui plus est, comme le rappelle le haut fonctionnaire de l'Etat, en termes de compensations financières, le Maroc est, avec 36 millions d'euros par an, à un surplus de 30%, comparativement à l'accord ayant expiré en 1999. «C'est un excellent rapport qualité-prix», conclut-il. Pour les négociateurs marocains, cet accord se situe dans un cadre de partenariat. L'Union européenne et l'Etat marocain vont faire le maximum pour qu'il y ait des formules d'associations à terre. Avant le début des négociations, il y avait des appréhensions sur la clause de débarquement. Finalement, le Maroc a obtenu sur ce point, «beaucoup plus qu'il n'espérait», de l'aveu de la même source. Cela va jusqu'à l'alternative, un débarquement sur deux dans un port marocain. Seules en sont exceptées les sociétés familiales (andalouses en général) de type artisanal et ne pouvant pas assurer leur rentabilité en débarquant au Maroc. En général, l'accord stipule que 50% des prises seront débarquées au Maroc. La délégation marocaine est également fière du résultat obtenu concernant le stock C. Les Européens ont obtenu ici un quota de 60.000 tonnes, loin, très loin des 200.000 tonnes concédées aux unités de Dakhla. A noter que 25% des prises doivent être débarquées à Dakhla. Difficile dans ces conditions d'expliquer le mécontentement des armateurs. D'autant que comme le précise-t-on de source proche du ministère de tutelle, il y a bien eu concertation. Les présidents des Chambres maritimes ont été consultés. Deux se sont entretenus physiquement avec les membres de la délégation ; les deux autres l'auraient fait par téléphone. La Fédération des Chambres maritimes aurait aussi donné sa bénédiction. Il en serait de même de la Fédération nationale des industries de pêche, dont le président, Hassan Sentissi, était en déplacement en Turquie au moment de la signature de la convention. Dans ce deal gagnant-gagnant, l'essentiel, aux yeux de la délégation marocaine, reste la mise à niveau. Chose que les armateurs nationaux n'ont jamais pu faire, quatre ans après le départ des Européens. L'UE a insisté pour qu'une partie de l'argent serve au financement de ce programme. Pour encourager les Européens à augmenter leur niveau de débarquement dans les ports marocains, une ristourne sur les redevances est prévue au prorata. Bref, il s'agit d'un accord positif aux yeux des hauts fonctionnaires ayant négocié les clauses. Mais d'ici mars 2006, date d'arrivée de la flotte communautaire, il faudra convaincre les armateurs marocains, lesquels ne sont pas exempts de reproches, accusés de ne rien avoir fait après le départ de la flotte communautaire. Sur la période 1999-2005, le bilan des opérateurs, humourise-t-on dans les parages des pouvoirs de décision du secteur, tiendrait sans doute dans un pot de sardine.