Ils estiment que la reprise n'est pas envisagée pour bientôt Les transporteurs touristiques estiment qu'ils n'utiliseront que la moitié de leur parc, voire moins, pour l'année prochaine. «Cela est très malheureux car beaucoup d'emplois vont définitivement être à l'arrêt». Si un vent d'optimisme commence à souffler sur le secteur touristique, notamment avec la réouverture de l'espace aérien et le retour des Marocains du Monde, certains acteurs de cet écosystème restent sceptiques quant à un redémarrage immédiat de leurs activités. Tel est le cas pour les transporteurs touristiques qui depuis le déclenchement de la crise sanitaire au niveau national étaient à l'arrêt. Le secteur ne devrait reprendre des couleurs que dans 12 mois pour les plus optimistes d'entre eux et dans 24 mois si l'on se réfère à un scénario plus pessimiste. Ces appréhensions ainsi que la vision de relance des transporteurs touristiques ont été partagées par la Fédération nationale du transport touristique (FNTT), membre de la Fédération du transport et la de logistique de la CGEM et membre affilié à la Confédération nationale du tourisme (CNT). Un point de presse a été organisé, mercredi 17 juin à Casablanca, pour brosser le tableau d'un secteur anéanti par la Covid, dévoiler les conclusions d'une étude menée dans ce sens ainsi que pour exposer les grandes lignes du plan d'action de la fédération baptisé CAP 25. L'heure étant d'engager une approche à la fois nouvelle et dynamique mettant ainsi fin à tous les maux structurels dont souffre l'entreprise opérant dans le transport touristique Le CVE sollicité en urgence Pour Othmane Cherif Alami, président de la FNTT, la reprise de ce secteur n'est pas pour bientôt. Il faut ainsi attendre jusqu'à avril 2022 pour reprendre un rythme d'activité équilibré. Et pour ce faire, le porte-parole des transporteurs touristiques appelle le département de l'économie et des finances à une mobilisation urgente en faveur de ce tissu. «On demande au ministère des finances de très rapidement réunir le Comité de veille économique afin de trouver une solution pour notre secteur en donnant les autorisations nécessaires aux sociétés de financement et de leasing pour reporter tous les soldes de nos crédits sur les 5 prochaines années », précise le président de la FNTT. En termes de projections, les transporteurs touristiques estiment qu'ils n'utiliseront que la moitié de leur parc, voire moins, pour l'année prochaine. «Cela est très malheureux car beaucoup d'emplois vont définitivement être à l'arrêt. Mais si le gouvernement met en place une subvention spéciale pour nos entreprises avec un fonds d'investissement national, nous pourrons rectifier le tir», peut-on relever de M. Cherif Alami. Même son de cloche du côté d'El Mehdi Fakir, consultant et expert financier ayant participé à l'étude de la FNTT. «Si aucune action n'est entamée ou n'est envisagée par les pouvoirs publics pour soutenir ce secteur, une partie appartenant à ce tissu entrepreneurial devrait malheureusement disparaître et arrêter de fonctionner», indique-t-il précisant que dans de telles conditions la reprise n'est envisageable que d'ici 2023 voire 2024. En effet, le lourd impact financier qu'ont encaissé les entreprises du secteur risquerait de ralentir davantage la machine et par conséquent leur faire rater le rendez-vous de la reprise du tourisme national. Une étude pour analyser, conceptualiser et projeter... La volonté des professionnels est d'établir un diagnostic de la situation du secteur pour engager des solutions de reprise. C'est dans ce sens que la FNTT s'est penchée sur une radioscopie de ce secteur. « Cette étude a été faite pour analyser, conceptualiser et projeter. Elle se base sur des études empiriques et une analyse qualitative et quantitative menées auprès des professionnels et institutionnels dont les banques et structures de leasing pour connaître leur son de cloche et leur feedback », souligne pour sa part Mohamed Setti, directeur général de Artegis Conseil, cabinet en charge de cette étude ayant pris fin à la veille de l'annonce officielle de l'ouverture de l'espace aérien, et ce après 8 semaines de sondages et d'entretiens. L'un des constats majeurs relevés lors de cette étude est le poids prépondérant de l'endettement. Etant intimement lié à l'écosystème touristique, le transport touristique a présenté tout au long de ces derniers mois une chute de productivité et de rendement. Une conjoncture ayant aggravé la situation financière des opérateurs et de facto leur endettement. Le poids de l'endettement Les conclusions tirées dans ce sens portent sur une chute de la valeur patrimoniale et des bilans et structures financières des opérateurs d'au moins 30 %. Ceci s'explique par l'arrêt des investissements ainsi que par l'aggravation des amortissements. Se référant à la FNTT, la plupart des opérateurs ont épuisé leurs trésoreries en recourant de façon massive à l'endettement, notamment pour combler leur besoin de fonctionnement (Damane Oxygène et Damane Relance). « Ce recours a aggravé l'endettement des opérateurs à des niveaux historiques et qui ont atteint, pour certains, un minimum de 100 %. Ceci s'est, également, traduit par l'amoindrissement des capitaux propres des opérateurs qui sont actuellement à des niveaux négatifs, ce qui est, sur le plan juridique, une menace pour la survie des entreprises », explique El Mehdi Fakir. Pour ce qui est de la profitabilité, l'expert indique que l'arrêt de l'activité a engendré un chiffre zéro du chiffre d'affaires au moment où les charges fiscales ont persisté. Selon les chiffres avancés, la chute de la profitabilité devrait atteindre jusqu'à 150 % cette année. Ce que recommande la FNTT La vision de la FNTT pour l'essor du secteur nécessite des mesures quantitatives et qualitatives volontaristes pour appuyer la modernisation et la résilience du secteur. La fédération met également l'accent sur l'importance et la primauté du tissu économique productif inclusif et son rôle dans le développement social. La FNTT propose à cet effet des mesures de trois niveaux : financières, réglementaires et organisationnels. Sur le plan financier, il est recommandé de reconduire l'ensemble des mesures prises par le Comité de veille économique en 2020 en matière de report des échéances des engagements de financement des entreprises du secteur au minimum jusqu'à fin 2021. Il est également proposé de procéder au reprofilage et à la restructuration de l'endettement des opérateurs du secteur de sorte qu'il ne soit pas un handicap pour une reprise normale de l'activité des opérateurs du secteur. Ceci passe par un rachat d'une partie de l'endettement financier ou encore par un financement adapté du besoin en fonds de roulement. Sur le plan réglementaire et administratif, la FNTT invite les autorités de tutelle à mettre en place des mesures de facilitation dans un cadre conventionnel. Citons à ce propos la non prise en considération de la durée d'arrêt dans le cadre des durées des agréments et des autorisations ainsi que la facilitation des démarches de renouvellement des documents des véhicules en l'occurrence les cartes grises. Quant au volet organisationnel, la fédération appelle, en concertation avec les instances concernées, à mener des actions de perfectionnement et de mise à niveau des professionnels afin d'appuyer la montée en compétences des opérateurs et de leur personnel. La fédération invite également Autoroutes du Maroc à mettre en place des conditions préférentielles pour appuyer les actions de reprise et de relance de l'activité des transporteurs touristiques. Pour ce qui est des compagnies d'assurances, la FNTT plaide pour des conditions tarifaires plus équilibrées pour les exercices 2021 et 2022 tout en tenant compte des perspectives de reprises et des durées effectives d'activité.