Pour l'universitaire Mohamed Moâtassim, les derniers événements et émeutes en Algérie ne sont autres que des «volcans éteints» qui ont fini par se réveiller. Bouteflika, selon ce chercheur, a non seulement hypothéqué le Maghreb arabe, mais aussi son pays. Entretien. ALM : Que vous inspirent les derniers événements à Béchar et Tamenrasset ? Mohamed Moâtassim : Chaque fois que j'ai abordé le sujet du régime de Bouteflika, j'ai toujours dit que ce dernier était une bombe à retardement, aussi bien pour le peuple algérien que pour les peuples du Maghreb arabe. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Maghreb en général et le Maroc en particulier ont fait un saut qualitatif et quantitatif dans la sphère de la démocratie, de la liberté d'expression et des droits de l'Homme. M. Bouteflika lui continue, à gérer l'Algérie avec la mentalité du parti unique et les réflexes hégémoniques et dictatoriaux qui en découlent.Donc, tout cela était prévisible devant l'entêtement du régime algérien et son refus de vouloir inscrire le devenir de l'Algérie dans une coopération fraternelle et loyale avec le Maroc, seule susceptible de mettre de l'ordre dans ses « volcans éteints » que sont Tindouf, Colomb-Béchar, Touat et Knadessa surchauffés encore par le refus systématique du régime algériens de démocratiser ces contrées. Ces dernières, pour rappel, et jusqu'à 1956, faisaient la prière du vendredi au nom du Sultan du Maroc et commerçaient avec le dirham marocain. Elles avaient manifesté pour et fêté, au même titre que le Maroc, l'Indépendance en 1956… Tout a constitué des frustrations, des injustices et des déséquilibres socio-économiques plus graves que ceux que connaît le reste de l'Algérie et qui ont fatalement débouché sur les événements que ces régions viennent de vivre ou vivent encore. Qu'en est-il alors de la question des Touaregs ? Quant au problème des Touaregs, je puis d'ores et déjà vous dire que ceux qui sèment le vent récoltent la tempête et pour cause ! Le régime algérien, avec Bouteflika en tête, n'a pas cessé depuis des décennies de vouloir faire du Sahara marocain un état fantoche à sa dévotion malgré les titres historiques et juridiques indéniables de la marocanité du Sahara «occidental ». Comment peut-il empêcher les Sahraouis d'un Sahara central de ne pas prétendre à leur tour à une indépendance à l'égard du reste de l'Algérie ? D'autant que l'intégration du Sahara central, qui fait huit fois plus la superficie du Sahara marocain, dans le reste de l'Algérie est un simple fait providentiel du régime colonial français qui intégra les Touaregs manu militari dans l'ensemble algérien sans jamais les consulter. Et pour la Kabylie, surtout avec la dissolution des mairies ? Il s'agit là d'un problème qui remonte à l'indépendance de l'Algérie et qui trouve ses racines dans une frustration collective de ce que pouvait être l'Etat kabyle avec un ensemble civilisationnel, la langue amazighe, la population et le contrôle du territoire. Rien d'étonnant si demain, la Kabylie, de guerre lasse, choisissait son propre destin en se proclamant indépendante du reste de l'Algérie. Après tout, toutes les tentatives de conciliation essayées par la population kabyle n'ont trouvé auprès de Bouteflika et du régime militaire algérien qu'une éternelle fin de non-recevoir. Et pourtant, le Maroc, dont les convictions en la formation d'un Grand Maghreb ne sont plus à démontrer, n'a jamais tenté d'exploiter cette faiblesse unitaire de l'Algérie. Jamais le Maroc n'a voulu encourager la politique sécessionniste en Kabylie, malgré l'entêtement des différents régimes algériens, et notamment celui de Bouteflika, à vouloir à tout prix briser l'unité nationale et l'intégrité territoriale du Maroc. Actuellement, il est question de plus en plus, d'une privatisation des hydrocarbures en Algérie. Qu'en pensez-vous ? La privatisation des hydrocarbures en Algérie est un problème qui nécessite un consensus populaire. C'est la ressource majeure de revenus de l'Etat algérien. Hypothéquer cette source, sans consulter le principal concerné (le peuple algérien) ne pourrait être qu'une supercherie à ajouter aux autres supercheries du régime algérien et dont la démocratie de façade, une politique d'hostilité à l'égard de ses voisins et la dilapidation des pétro-dollars au bénéfice d'une politique de déstabilisation et d'hégémonie dans toute la région.