Le ministre de l'Agriculture, Mohand Laenser, subit les foudres de l'UMT après avoir décidé de déduire des salaires des grévistes les jours non travaillés. En attendant, l'entrée en vigueur de la loi sur l'exercice du droit de grève, un véritable bras de fer oppose, depuis quelques semaines déjà, la Fédération nationale du secteur agricole (UMT) et le ministre de l'Agriculture. Et pour cause, le ministre Mohand Laenser aurait donné "des instructions verbales" aux directeurs des établissements publics sous tutelle de son département pour déduire les jours de grèves des salaires des employés. Cette décision, qualifiée de "première inacceptable", a envenimé les relations entre le ministère et l'UMT. Dans la ligne de mire de cette dernière: Mohand Laenser. Au Maroc, le droit de grève est toujours géré par le fameux article 14 de la Constitution qui ne fait que prévoir ce droit, sans donner les modalités de son exercice. Justement, la loi organique qui doit le gérer fait toujours l'objet d'intenses discussions entre le ministère de l'Emploi, d'une part, et les Centrales syndicales d'autre part. Ces dernières estiment que bon nombre de dispositions de ce projets de lois n'ont en fait pour finalité que de ligoter l'action syndicale. Faute de compromis au sujet de ce texte, tout le monde, y compris le gouvernement, devrait s'en tenir aux us et coutumes en vigueur au Maroc depuis des années en matière de droit de grève. En clair, les syndicats devaient pouvoir observer leurs grèves le plus normalement du monde et l'employeur, en l'occurrence le gouvernement, doit s'abstenir de «charcuter» les salaires des fonctionnaires grévistes. "Mais Mohand Laenser ne semble pas voir les choses de cet angle", souligne Mohamed Hakach, vice-président de la Fédération nationale du secteur agricole (UMT). Après avoir donné ses instructions "verbales" aux neuf directeurs généraux des Offices de mise en valeur agricole (ORMVA), pour déduire les jours non travaillés des salaires des grévistes, seuls cinq d'entre eux ont obtempéré. Les quatre autres, dont le "courage a été salué par tous les employés", ont catégoriquement refusé d'effectuer des ponctions sur les salaires, si le ministre ne leur transmet pas des instructions écrites dans ce sens. Après une série de protestations, Mohand Laenser a fini par céder. Du moins pour les ORMVA. Le même scénario s'est reproduit à l'Agence nationale de la Conservation foncière, du Cadastre et de la Cartographie. Un établissement public également sous tutelle du ministère de l'Agriculture. Ainsi, face aux différents blocages qu'ont subis les négociations entre les représentants syndicaux de l'UMT et la direction de l'Agence au sujet du nouveau statut des employés, ces derniers ont entrepris une série de grèves de protestations. Résultat : "le DG de l'Agence a décidé, sur instructions du ministre de l'Agriculture, de soustraire des salaires des grévistes tous les jours non travaillés", assure Mohamed Hakach. Cette décision a eu l'effet d'un tremblement de terre dans les rangs des employés. Pour se venger, ils ont décidé de se rendre à leur lieu de travail, mais sans traiter aucun dossier. "Les caisses de l'Agence ne reçoivent plus aucun centime", poursuit Mohamed Hakach. Et d'ajouter : "Lors des jours de grèves, les encaissements augmentent de plus de 35 %", soutient le vice-président de la Fédération nationale du secteur agricole (UMT). A noter qu'une grève de zèle au sein de l'Agence de la Conservation foncière pourrait avoir de fâcheuses conséquences, essentiellement lors de la période estivale. Une période au cours de laquelle les Marocains résidant à l'étranger rentrent au pays et font systématiquement appel aux services de l'Agence. Cette Agence d'ailleurs, leur prévoit même chaque année un traitement de faveur, avec des guichets spéciaux. Avec cette grève, qui ne dit pas son nom, l'été risque d'être assez chaud à l'Agence. En tout cas, le directeur général semble être conscient de la gravité de la situation. Il a convié le syndicat de l'UMT pour une réunion prévue le lundi 11 juillet à 17 heures. Mohamed Hakach espère que la crise sera désamorcée à cette occasion. Le vice-président de la Fédération nationale du secteur agricole (UMT) appelle à la solidarité de l'ensemble des syndicats marocains. Mohamed Hakach reconnaît que le projet de loi sur l'exercice du droit de grève stipule effectivement dans un de ses articles que "la grève est considérée comme une suspension momentanée du contrat de travail". En d'autres termes, les jours non travaillés seront déduits des salaires des grévistes. Ce que ce syndicat refuse, par contre, c'est que "Mohand Laenser se prend pour un législateur, il applique les dispositions d'une loi qui n'est pas encore entrée en vigueur".