Alors, les effets de manche, Khyari en abuse. Ainsi, pour démontrer que ce gouvernement n'existe pas, il raconte que son parti avait peur de la coïncidence de la déclaration de Driss Jettou au Parlement avec son congrès. «Hiwar» est une émission qui fait, paraît-il, un bon score à l'audimat, probablement en profitant du vide dans le domaine. Mardi dernier, c'est Thami Khyari qui en était l'invité. J'ai fait mon travail de journaliste, j'ai suivi l'émission. Il y a vraiment de quoi s'inscrire au départ volontaire. D'abord, le plateau de journalistes fait dans le populisme nihiliste le plus idiot. A les entendre, rien n'est fait, le Maroc n'est que misère, désolation et répression. Le discours anti-parti est omniprésent, quant aux institutions, elles seraient tout simplement hors-jeu. Nous n'avons pas besoin d'un courant fasciste, une partie de la presse fait le boulot. Face à ce déferlement, orchestré par un Muspatha Alaoui métamorphosé, Thami Khyari a choisi… de suivre le mouvement. Ainsi l'opposant qu'il est assure que le gouvernement ne fonctionne pas et que le pays est arrêté. Ce qui peut-être admis dans une vie politique immature. Il pousse le bouchon plus loin et tombe dans l'insulte : «Plusieurs départements sont dirigés par les secrétaires généraux, les ministres se limitant à signer». Pressé de dire lesquels, il se cache derrière le cas du département des Sports. Mais il réaffirme que «les ministres politiques ne font qu'appliquer les décisions des secrétaires généraux». L'accusation est grave, non étayée, mais elle ravit les journalistes, c'est ce qu'ils retiendront. Ils ne s'attardent même pas sur la tentative de l'invité d'initier un débat sur le déficit budgétaire, trop technique, il ne permet pas les effets de manche du genre « ce pauvre peuple est condamné à attendre ». Alors, les effets de manche, Khyari en abuse. Ainsi, pour démontrer que ce gouvernement n'existe pas, il raconte que son parti avait peur de la coïncidence de la déclaration de Driss Jettou au Parlement avec son congrès. «Finalement, les gens ne parlaient que du congrès du FFD et ne portaient aucun intérêt à la déclaration du Premier ministre » . Il a même ajouté que depuis le congrès, son parti avait reçu 10 000 nouvelles adhésions. Ce qui l'enhardit pour demander : «non pas l'amendement de la Constitution mais une nouvelle Constitution», puisqu'à son sens, chaque Roi devrait avoir la sienne. Sur le reste, il esquive ce qui ne remplit les 100 minutes de l'émission. La prestation de Khyari ne mérite pas cette chronique, sauf qu'elle révèle l'absence de sens chez les politiques que la télé met en évidence à chaque fois. Réhabiliter les partis, l'action politique en ouvrant les débats est une nécessité. Encore faut-il que les émissions ne soient pas conçues comme un pugilat ou un concours de phrases toutes faites sur les malheurs du peuple. Sur cet aspect, ce sont nos deux télés qui doivent repenser leurs concepts et leurs choix de personnes ressources. Le problème dure depuis si longtemps qu'il est permis de douter des capacités de réforme. Nos politiques, eux, dans l'ensemble, ne savent pas utiliser la télé, c'est un fait. Mais il y a pire, ils n'ont pas de discours structuré, porteur d'espoir et de motifs de mobilisation. C'est pour cela qu'ils sont déstabilisés par tout discours nihiliste, qu'ils se sentent obligés d'en adopter les accents, et en définitive sont «battus» par quelques phrases assassines. Les émissions de débat sont nécessaires à l'émergence d'une opinion publique, elle-même condition de base de la démocratie. Quand elles tombent dans la facilité populiste, soit l'invité est de taille pour ridiculiser ses vis-à-vis et placer la barre plus haut, soit c'est la catastrophe. Nous sommes plus souvent dans ce cas de figure, ce qui renforce le discrédit des «Zaïms».