Les partis politiques comptent en leur sein des hommes jeunes et dynamiques capables de prendre la relève. Mais la vieille garde fait toujours de la résistance. Les figures partisanes populaires ne sont pas celles que l'on croit. Qui sont aux manettes. Cette réalité a éclaté au grand jour lors du 7ème congrès de l'USFP qui a permis aux congressistes d'accorder en toute liberté leurs voix aux candidats qui ont du mérite à leurs yeux. En effet, les militants USFP ne sont pas dupes. Ils connaissent parfaitement leur monde. Ceux qui apportent quelque chose à leur parti et les autres qui ne prennent que le parti de leurs intérêts propres. Chacun se reconnaîtra dans cette définition. Alors quel est l'homme qui caracole en tête à l'USFP ? Ce n'est ni le Premier secrétaire sortant Mohamed Elyazghi, ni le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Habib El Malki, ni même l'argentier du Royaume Fathallah Oualalou… Les militants ont donné la première place au sein du conseil national au secrétaire d'État à la Jeunesse, Mohamed El Gahs, 42 ans. Ce choix a valeur à la fois de vote de confiance et de message clair : le bénéficiaire, où se reconnaissent les militants, mérite normalement de conduire les affaires d'un parti qui a besoin d'un vrai coup de jeune et d'une nouvelle vision. Mais les choses ne se passent pas comme cela. D'autres considérations comme le droit d'aînesse, l'ancienneté et l'allégeance déterminent l'accès aux postes de Premier secrétaire et de celui de son adjoint. Résultat : reconduction du ticket Elyazghi-Radi, tandis que M. El Gahs, faute de créer la grande surprise, fait pour la première fois son entrée au Bureau politique. Révélation du parti socialiste marocain, star qui monte dans l'estime de ses partisans, M. El Gahs pose un sérieux problème à plus d'un au sein de sa famille politique. Voilà un jeune responsable qui tient non seulement un discours cohérent sur les principaux thèmes qui traversent la société ( intégrisme, chômage, jeunesse…), mais qui prend position et affiche ses valeurs. Chose rare dans la classe politique marocaine plutôt encline à camper des postures entendues. Un cadre qui fait de l'ombre au chef est très mal vu par ce dernier. Pour neutraliser son adversaire, c'est l'arme de la duplicité qui fonctionne à plein régime. Coup bas en coulisses et camaraderie de façade. Il est incontestable que le vent de liberté et de démocratie qui souffle sur le pays depuis quelques années est parvenu au cœur des partis politiques. Les militants de base profitent des congrès, la seule vraie occasion qu'ils ont pour s'exprimer, pour noter les uns et les autres. Un autre parti national est déjà passé par la même expérience à l'occasion de son dernier congrès, il y a quelques années. Le Rassemblement national des Indépendants (RNI) de Ahmed Osman. Le plus populaire parmi ses collègues est Mustapha Mansouri, actuel ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle. Ainsi en avaient décidé les militants de la formation de la colombe. Ce natif de Nador, 52 ans, député depuis plusieurs mandatures, n'aura pas usurpé la bonne réputation dont il jouit dans les différents cercles du parti. Homme apprécié pour sa bonhomie et son sens de l'écoute, M. Mansouri est d'un naturel modeste et ouvert qui plaît aux siens, à commencer par le président. Qui mieux que lui incarne la relève dans une structure dont l'existence se confond avec celle de son fondateur ? L'avenir se prépare aujourd'hui. Ici comme ailleurs, la vieille garde commence à être bousculée sérieusement par une jeune garde qui aspire à prendre du grade. Le PJD a déjà trouvé chaussure à son pied : Saâd Eddine El Othmani. Ce psychiatre de formation, qui n'a rien d'un apparatchik, a été porté naturellement à la tête du parti lors de son dernier congrès en avril 2004. Le PPS fera une bonne opération en adoubant l'actuel ministre de la Communication, Nabil Benabdallah qui semble disposer d'un boulevard devant lui dans la perspective du départ de Moulay Ismaïl Alaoui. À l'Istiqlal, un profil se détache même si pour le moment, il se concentre sur son travail absorbant de ministre de l'Habitat. Ahmed Taoufik Hejira, 46 ans, fils d'un grand militant istiqlalien d'Oujda, est en train de gagner lentement mais sûrement ses galons de jeune premier dynamique qui ne manque ni de charisme ni de bagout, capable de rassembler et d'encadrer. L'Istiqlal, qui tient avec Abbas El Fassi le dernier des caciques, a besoin visiblement d'un leader en phase avec les enjeux du Maroc nouveau. La mouvance populaire, elle, aspire à l'union après plusieurs années de divisions successives à coups de scissions plus ou moins provoquées. Le patron du MNP, l'octogénaire Mahjoubi Aherdan, est fatigué. Maintenant qu'il s'est rabiboché avec son frère-ennemi d'hier Mohand Laenser du MP, il veut voir de son vivant une fusion qui n'existe pour le moment que dans les intentions des uns et des autres. Reste que cette famille politique, consciente plus que jamais de ses responsabilités, a fort à faire pour être à la hauteur du défi de la réunification. Un homme comme Mohamed Boutaleb, ministre MNP de l'Énergie et des Mines ou son collègue du Commerce extérieur, Mustapha Mechahouri, a des atouts en main dont celui de la fraîcheur pour conduire un jour le regroupement haraki. Le même enjeu se pose à l'UC qui, depuis le décès de Abdellatif Semlali, a à sa tête un secrétaire général par intérim en la personne de Mohamed Abied qui, tous comptes faits, a bien tenu la boutique. Mais pour la prochaine étape, qui démarrera à l'occasion de son prochain congrès, le parti fondé par Maâti Bouabid est appelé à choisir un meneur qui soit à la fois rassembleur et consensuel. Pour le moment, un nom émerge du lot, Mohamed Sajid, maire de Casablanca. Celui qui a ceci de particulier qu'il a toujours été en retrait dans les instances du parti doit, aujourd'hui, se préparer à assumer un autre destin. Une chose est sûre: l'ère des zaïms, qui a depuis l'indépendance du pays couvert de son ombre tutélaire la vie politique marocaine, a fait son temps et doit rapidement céder la place à une nouvelle époque de leaders décontractés et moins imbus de leurs personnes ayant une vision pragmatique de leurs fonctions. Or, au Maroc, la sélection naturelle semble faire son œuvre plus que la méthode démocratique toujours otage de cette propension à s'accrocher au leadership et à ses avantages, surtout de paraître dans les petites et les grandes occasions. Dans ce schéma sclérosé, Abderrahmane Youssoufi et Abdelkrim El Khatib, qui ont décidé de jeter l'éponge, font vraiment figures d'exception. Les hommes de leur génération sont toujours en place dans différents postes de responsabilités, bloquant ainsi la machine à rajeunir, en dépit des multiples messages pour qu'ils passent la main.