Depuis que le Premier ministre, M. Driss Jettou a annoncé solennellement, le 23 mai dernier, devant le Parlement la décision d'adopter l'horaire continu de manière permanente dans les différentes administrations et services publics, cette décision est devenue la seule, voire l'unique question d'actualité des citoyens qui ne cessent d'en évaluer les répercussions sur leur mode de vie acclimaté depuis fort longtemps à un horaire discontinu que l'on qualifiait désormais jusqu'ici de "normal". La décision d'adopter le nouvel horaire est intervenue, comme l'avait souligné le Premier ministre, après une évaluation minutieuse aussi bien de ses multiples avantages que de ses inconvénients dans la perspective d'amorcer une gestion judicieuse de la chose publique, des intérêts des citoyens et de l'économie nationale. Pourtant, les modalités d'application de ce nouvel horaire, à savoir sa durée et les dispositions d'accompagnement demeuraient parmi les préoccupations majeures des citoyens, qui restaient sur leur faim jusqu'à la déclaration du porte-parole du gouvernement, M. Nabil Benabdellah, dans laquelle il a annoncé qu'il sera appliqué à partir du 1er juillet prochain : de 08h30 à 16h30 du lundi au vendredi avec une demi-heure de repos chaque jour, en plus d'une heure pour effectuer la prière de vendredi. Le gouvernement a opté pour cet horaire en prenant en compte les répercussions positives et ses bienfaits au niveau de la gestion de la chose publique, les intérêts des citoyens, des fonctionnaires et des agents et de l'économie nationale, ainsi qu'une utilisation rationnelle du facteur temps, la consommation de l'énergie et la relation avec les partenaires internationaux. Mais, les opinions et les avis des citoyens divergent sur ce nouveau régime des horaires. Pour Thouraya, 42 ans, cadre dans une agence bancaire, l'horaire continu est une formule très positive et adéquate, dans la mesure où il est de nature à offrir une plus grande marge au niveau de la conciliation entre le travail et les besognes ménagères. Même son de cloche chez Fatima, 46 ans, fonctionnaire au ministère de l'Equipement, qui a estimé que le retour tôt de la mère fonctionnaire à la maison saura sans aucun doute contribuer à rendre les enfants davantage attachés au concept des liens familiaux. Si la question de réduction du temps du transport suscite un soutien sensible de la part des fonctionnaires, il n'en demeure pas mois que ceux-ci perçoivent que l'horaire continu renferme des inconvénients. Laïla, 38 ans, fonctionnaire au ministère des Finances, a estimé qu'il s'agit d'un gaspillage du temps démesuré entre midi et 14h00, d'autant plus, a-t-elle ajouté, que le fait de faire le va-et-vient quatre fois par jour relève d'une corvée qui ne lui laisse l'opportunité d'exercer la moindre activité, sauf déjeuner et regarder la télévision. Un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur a, quant à lui, n'a pu tarir d'éloges sur les points positifs de l'horaire continu, surtout les avantages dont le pays peut en tirer profit, en particulier la facture pétrolière. "L'horaire continu me permettra de faire des économies et de me dispenser de la conduite lors des heures de pointe infernales". Une étude du ministère de la modernisation des secteurs publics a révélé que l'horaire continu permettra à la seule ville de Rabat d'économiser 100 millions de dirhams annuellement en ce qui concerne la facture pétrolière. Avec la mise en application de ce nouvel horaire, et rien qu'entre midi et 14h00, toujours selon l'étude, le Maroc pourra économiser plus de 500 millions de dirhams au niveau des prix du carburant. Agé de 47 ans, Mohamed, cadre à Barid-Al-Maghrib, estime que l'horaire continu lui offrirait l'occasion de poursuivre ses études dans un Institut du Commerce et d'Administration des Entreprises. D'autres profiteront de cet horaire pour adhérer à des associations culturelles ou exercer des activités sportives, alors que pour certaines personnes, cet horaire offre un temps libre qui devrait être consacré à d'autres hobbies, entre autres, regarder des émissions télévisées. Par ailleurs, certains observateurs perçoivent que l'horaire continu contribuera à la valorisation de l'image de l'administration marocaine sur le plan international, puisqu'il permettra au Royaume d'intégrer le processus d'amélioration des services et des échanges et d'assurer une meilleure rentabilité. Mais la réussite de cet horaire dépendra également de la réalisation d'une action de communication qui saura sensibiliser les fonctionnaires sur ses aspects positifs, les défis y afférents, ainsi que les objectifs escomptés de sa mise en application en vue d'assurer la contribution de tout un chacun, de par sa position, à la réussite de cette opération tant attendue. Malgré que la majorité des fonctionnaires ait exprimé sa satisfaction de l'application de cet horaire, certains d'entre eux demeurent vigilants quant à ses côtés négatifs. La question du déjeuner au lieu du travail reste, selon eux, le principal aspect négatif, voire la préoccupation majeure qui découle de l'application de cet horaire. Fatiha, 36 ans, fonctionnaire, estime qu'il serait difficile de gérer les affaires de ceux qui se sont habitués depuis très longtemps à déjeuné chez-eux, ce qui constitue, a-t-elle dit, une "rupture" avec la tradition de la famille marocaine où le moment du déjeuner est une opportunité de communiquer entre les membres de la même famille. Pour Abderrahim, 56 ans, fonctionnaire dans une circonscription urbaine, la problématique se situe au niveau matériel qui sera issu de cet horaire, citant à titre d'exemple les charges supplémentaires auxquelles sera confrontées la famille marocaine, surtout les dépenses liées à la restauration des membres de la famille en dehors de leur maison. Par ailleurs, le secteur de l'enseignement demeure l'un des axes ouvert sur différents scénarios. Des enseignants ne cessent de s'interroger sur les modalités d'application de l'horaire continu. Mohamed, 50 ans, professeur du secondaire s'interroge sur la disponibilité d'infrastructures, surtout les classes capables d'accueillir au même temps les élèves des différents niveaux. Fatima, 30 ans, enseignante du primaire, s'interroge si l'élève peut supporter cet horaire, estimant qu'il faut "s'assurer d'abord si l'élève peut appréhender les leçons pendant une période où il avait généralement l'habitude de se reposer". L'horaire continu n'est pas uniquement une réponse aux aspirations individuelles ou à un système qui offre des avantages, mais il s'agit d'"un mode de vie" accompagné de changements qui ambitionnent une exploitation rationnelle du temps. (Par Bouchra Azour)