Le Royaume a aussi opté pour le vaccin britannique AstraZeneca qui coûte 5 dollars L'Institut CDG dans son cycle de webinaires a organisé, le mardi 8 décembre 2020, son neuvième séminaire virtuel de la série «Regard vers le futur» autour de la thématique «Repenser les déterminants de la politique sanitaire». La pandémie a montré les limites et les dysfonctionnements du système de santé. La crise sanitaire a montré la nécessité d'une réforme urgente du système. Plusieurs experts ont apporté leur contribution aux travaux de ce webinaire, à savoir Pr Rajae El Aouad, membre de l'Académie Hassan II des sciences et techniques, spécialiste en recherche biomédicale et en santé publique, Pr Gabriel Malka, directeur du pôle des sciences et biologies de l'Université Mohammed VI Polytechnique (Benguerir), Pr Azzedine Ibrahimi, professeur et directeur du laboratoire de biotechnologie à la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, Docteur Bert Brys, «Senior tax economist» à l'OCDE, Saad Taoujni, juriste expert en management de la santé et de la protection sociale, sans oublier Aziz Boucetta, directeur de Panorapost, en tant que modérateur. Le Pr Gabriel Malka qui a ouvert les débats de ce webinaire est revenu sur son expérience après avoir été atteint de la Covid-19 il y a deux mois. «J'ai eu la chance ou la malchance de vivre cette crise en direct. J'ai passé 18 jours dans une chambre de réanimation. Ce qui m'a interpellé c'est la solitude des patients. Durant mon hospitalisation, j'ai pu constater que le système de santé est inadapté. C'est un système qui ne répond pas aux attentes des patients». Ce dernier estime qu'il faut trouver un moyen de mettre en place un système de santé bicéphale de façon à ce que le public et le privé puissent travailler ensemble. Pour sa part, Bert Brys a fait remarquer que les dépenses de santé au Maroc doivent être plus efficaces. Le principal défi aujourd'hui est d'améliorer l'efficacité du financement du système de santé. Selon M. Brys, le Maroc a besoin de collecter davantage de recettes fiscales pour aider à financer son système de santé. «La crise de la Covid va nécessiter des financements additionnels pour le ministère de la santé. Il faut stimuler la croissance économique et augmenter la participation des hommes et des femmes dans le marché du travail en créant davantage d'emplois». Pourquoi le Maroc a choisi le vaccin de Sinopharm La vaccination anti-Covid est un point important qui a été débattu lors de ce webinaire. Si le vaccin dans sa forme traditionnelle est toujours développé, de nouvelles stratégies de vaccination émergent. Le Pr Rajae El Aouad est revenue sur les 4 types de vaccin actuellement disponibles, à savoir virus inactivés, protéines virales, vaccins à ARNm ou ADN et les vaccins à vecteurs viraux. Celui qui nous intéresse particulièrement est le vaccin à partir du virus inactivé. C'est le cas du vaccin Sinopharm Beijing pour lequel le Maroc a opté. Il s'agit de la forme la plus traditionnelle de vaccination. Le virus, isolé, est inactivé au moyen d'un traitement chimique qui lui fait perdre toute agressivité. Le virus est ensuite injecté dans l'organisme pour faire réagir le système de défense immunitaire et produire des anticorps capables de reconnaître le coronavirus. Cette technique de fabrication est déjà connue et maîtrisée. Le Pr El Aouad tient à rassurer les citoyens en signalant que le procédé de fabrication du vaccin Sinopharm est sûr. Toutefois, l'immunologiste insiste sur le fait que toute nouvelle vaccination, médication implique une surveillance après l'administration du vaccin. Le Maroc s'est organisé pour assurer la pharmacovigilance du vaccin. De son côté, le Pr Ibrahimi a fait savoir que vu la pandémie et la crise sanitaire, l'OMS avait proposé que des pays puissent accepter l'utilisation des vaccins bien que la phase 3 ne soit pas complète, parce que cela prend au moins une année. Et par conséquent, les 12 vaccins actuellement en phase finale vont passer. Une procédure que l'on appelle l'«emergency use». Le Pr Ibrahimi a tenu à signaler que le Maroc qui avait déjà signé un partenariat avec la Chine devait faire un choix quant au vaccin. «D'après la génomique, il y avait 10 souches qui ont été utilisées pour le vaccin de Sinopharm et il n'y avait pas une diversité génétique par rapport à ce qui a été vu au Maroc. C'est pour cette raison que le Maroc avec une approche anticipative a fait ce choix», explique-t-il. Ce dernier a précisé que les résultats qui ont été discutés dernièrement au niveau de la commission scientifique étaient excellents. Il fait savoir qu'il y avait un développement des anticorps neutralisants et les effets indésirables sont très limités, à savoir l'apparition de rougeur et un peu de fièvre. Les essais cliniques pour Sinopharm ont été réalisés notamment en Argentine, au Pérou, aux Emirats Arabes Unis, en Chine. «Tous les résultats de ces essais réunis donneront un très bon dossier qui sera soumis à la Direction du médicament et de la pharmacie pour avoir une autorisation», a-t-il signalé. Pr Ibrahimi a aussi indiqué que le Bahreïn, les EAU et la Chine ont donné leur autorisation pour la vaccination de masse. Autrement dit, des milliers voire des millions de personnes ont déjà été vaccinés. A côté du vaccin de Sinopharm, le Maroc a acheté un autre vaccin qui est celui de AstraZeneca, et ceci en vue d'avoir une diversité dans l'approvisionnement et la technologie. Pour la première phase de vaccination, il y aura 10 millions de doses. D'où les priorités en matière de vaccination. Sur le point de la logistique, le Maroc dans une démarche anticipative a acheté des vaccins qui peuvent être conservés à des températures entre 2 et 8 degrés. «Si nous avions acheté le vaccin de Pfizer, une autre logistique s'imposerait dans la mesure où il aurait fallu des congélateurs pour garder les vaccins à -70 degrés». Le Pr Ibrahimi estime que le plus important aujourd'hui est de gagner la confiance des Marocains. «Sans l'implication du grand public, on ne pourra pas faire une vaccination de masse. L'éducation et la sensibilisation du grand public est primordiale pas seulement aujourd'hui avec cette pandémie mais pour le long terme car le monde connaîtra d'autres épidémies», indique-t-il. Se référant à un article publié cette semaine par Moderna, le Pr Ibrahimi signale que le vaccin permettrait d'avoir une immunité de 3 mois. Quant aux prix du vaccin Sinophram, si la vaccination avait été payante, il aurait été de près de 137 dollars (les deux doses) contre seulement 5 dollars pour AstraZeneca. Le Maroc a ainsi fait le choix d'acheter le vaccin le plus sûr et le plus cher. Rappelons que SM le Roi Mohammed VI a donné ses Hautes instructions au gouvernement pour instaurer la gratuité du vaccin anti-Covid au profit de tous les Marocains, selon un communiqué du Palais Royal publié mardi après-midi. Création prochaine d'une Agence nationale de santé publique Le Maroc doit maintenant s'armer pour l'avenir. Le Pr Gabriel Malka a insisté sur la mise en place d'un système de veille sanitaire qui permettrait de prévoir les futures épidémies. Le Pr El Aouad a signalé que le ministre de la santé travaille actuellement sur un projet de création d'une Agence nationale de santé publique qui est l'équivalent d'un Institut de veille sanitaire. Un dossier qui était resté dans les tiroirs depuis 2011. Le ministère de la santé travaille sur ce dossier en concert avec le ministère des finances. Selon le Pr El Aouad, cette Agence ne devrait pas tarder à voir le jour.