La 11ème édition du Festival des musiques sacrées de Fès démarre dans une semaine. Le compte à rebours a commencé. Au-delà de l'âge, du concept et du programme, quel est l'apport réel de cette manifestation sur l'activité de la ville ? Avec sa 11ème édition, prévue du 3 au 11 juin 2005, le Festival des musiques sacrées de Fès aura entamé une nouvelle décennie. Créé en 1994, conformément à la vocation spirituelle de la ville qui l'abrite, Fès, il a toujours aspiré à ce que son aura rayonne au-delà des frontières. Les organisateurs, pour «vendre» le festival, ont surfé sur la vague de la tension proche-orientale exacerbée par la guerre anglo-américaine contre l'Irak. Ce festival a réellement réussi à atteindre son objectif : servir de vecteur du dialogue et de la rencontre des cultures, envers et contre les partisans de la théorie du « clash of civilizations » (choc des civilisations ). Pour servir cette cause noble, les organisateurs n'ont pas lésiné sur les moyens, ils ont réuni, au fil des dix dernières éditions, des artistes de différents horizons de la planète-Terre, autour d'un langage qui ne reconnaît pas de frontières entre les peuples, à savoir la musique : un langage universel. En 2001, ils ont créé une plate-forme de débat autour d'un sujet de préoccupation majeure : la mondialisation. Depuis, un aéropage d'intellectuels internationaux sont invités à faire le déplacement à Fès pour réfléchir sur les moyens de «redonner âme à la mondialisation». Les débats ont certes été d'une haute tenue, suscitant des idées allant dans le sens d'une mondialisation à visage humain. Mais voilà, le festival est resté prisonnier de son concept. Au bout d'une décennie, le sujet paraît à l'évidence trop consommé, pour ne pas dire carrément galvaudé. A chaque nouvelle édition, on prend pratiquement les mêmes et on recommence. Côté programmation, il suffit de méditer sur le plateau de cette 11ème édition pour se rendre compte que les organisateurs sont réduits à faire du « rafistolage ». Si on peut, à titre d'exemple, apprécier la participation de Ravi Shankar (musique classique hindustani), de la mezzo soprano Teresa Berganza, ou encore de sa compatriote la soprano Cecilia Lavilla (Espagne), de Saïd Hafid (psalmodies et panégyriques, Egypte), et autres, la participation d'un Kadhem Saher reste d'autant plus énigmatique que ce chanteur représente un style lyrique qui ne correspond nullement au concept de Fès. Concept qui, d'ailleurs, pose problème dans le sens où l'appellation « Musiques sacrées » présuppose l'existence de « musiques profanes ou païennes ». Il aura fallu tout simplement utiliser le concept de « musiques spirituelles », lequel colle bien à la vocation spirituelle de Fès. Or voilà, que surgit la question que se pose la population de Fès elle-même : quelle contribution apporte ce festival à la ville-hôte ? La réponse est, hélas, négative. Ciblant, depuis sa création, l'élite de Fès mais aussi et surtout de l'étranger, ce festival est resté impopulaire. Au grand dépit d'une population fassie marginalisée devenue un terreau propice à l'enracinement des idées autant obscurantistes que destructrices. Le festival a ainsi failli au rôle qu'il est censé jouer, au-delà de l'animation de la vie publique, dans l'éducation citoyenne. Et puis, à un autre plan, quand on constate qu'un festival comme Gnawas et Musiques du monde a contribué à la transformation de la ville d'Essaouira, aussi bien au niveau culturel qu'économique, on a de la peine à imaginer ce que le Festival des musiques sacrées a concrètement apporté à une ville livrée en proie à la marginalisation. Si nombre d'observateurs ont reproché à ce festival son caractère « élitiste », ce n'est pas à tort. La décision de créer une manifestation parallèle au Festival des musiques sacrées, de son nom «Un festival dans la ville», n'a pas réussi à combler les attentes populaires, sachant que tout l'intérêt ou presque est porté sur le Festival des musiques sacrées.