Comment se forger une culture financière ? La culture financière reste inaccessible pour une grande partie de la population. En effet, gérer son propre argent et faire fructifier ses économies s'acquiert en améliorant ses connaissances dans la finance. Pour combler ce déficit l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) parie sur l'éducation financière, à travers la mise en place de nouveaux canaux digitaux. Elle ambitionne de renforcer la culture financière auprès des citoyens pour les aider à gérer leur épargne et à mieux accéder aux financements via les marchés financiers. Enjeux «C'est un sujet important porteur d'enjeux stratégiques et que le Maroc place parmi ses grandes priorités. En effet, une stratégie nationale d'inclusion financière a été mise en place en 2018 et à laquelle l'AMMC prend part aux côtés du ministère de l'économie, des finances et de la réforme de l'administration, Bank Al-Maghrib et d'autres acteurs publics et privés. Sous l'impulsion des autorités marocaines, un chantier d'envergure mobilise aujourd'hui les acteurs de l'écosystème pour identifier et lever les obstacles à l'inclusion financière et offrir aux différents segments de la population des solutions innovantes et adaptées, et ce pour améliorer leur capacité financière et faciliter l'accès à un plus grand choix d'instruments», explique Nezha Hayat, présidente de l'AMMC, lors d'un webinaire organisé le 27 octobre 2020 dans le sillage de la 4ème édition de la semaine de la Word Investor Week (WIW). Cet événement intervient dans le cadre particulier de la crise sanitaire qui a mis sur le devant de la scène le rôle que pourrait jouer le digital dans l'inclusion financière. «Si la crise sanitaire que nous traversons est venue rappeler l'importance stratégique de ce sujet de société, elle a également révélé encore plus nettement les opportunités que peut offrir la finance numérique dans plusieurs domaines», relève Nezha Hayat, faisant référence au paiement mobile et au crowdfunding. Le développement financier stimule la croissance économique Prenant part à ce webinaire, Najat El Mekkaoui De Freitas, enseignante-chercheuse à l'Université Paris Dauphine, a axé son intervention sur l'impact positif de l'inclusion financière sur le développement et la croissance. Au Maroc, le taux d'inclusion reste assez faible puisque 28% des adultes détiennent un compte dans une institution financière (Findex 2017), observe l'experte. «Le Maroc a fait un certain nombre de progrès remarquables en matière d'inclusion financière mais n'a pas réussi à étendre le caractère inclusif de son système financier à certaines catégories de la population (les femmes, les jeunes et les populations vivant en milieu rural)», indique-t-elle. La spécialiste a également rappelé les mesures qui ont été mises en place par le pays depuis 2013 pour améliorer l'inclusion financière. Suite à ces différentes politiques, il y a eu le développement de nouveaux produits et de nouveaux services (produits d'épargne de long terme, Mobicash pour le transfert d'argent et le paiement par téléphone mobile, portefeuilles mobiles), le développement de nouveau marché (marché à terme d'instruments financiers), développement de filiale bancaire (comme Al Barid Bank), et un nouveau cadre législatif régissant l'activité des banques participatives. Lors de son intervention la spécialiste explique par ailleurs que l'inclusion financière repose sur 3 piliers essentiels : l'accessibilité, la disponibilité et l'utilisation (pour les particuliers et les entreprises de produits et services financiers adaptés à leurs besoins). «Sur le plan mondial, lorsque les taux d'inclusion financière sont calculés à partir de ces trois critères, nous observons que la région Maghreb et Moyen-Orient est l'une dans lesquelles les taux d'inclusion financière sont les plus faibles», précise-t-elle ajoutant que l'exclusion financière est associée à la pauvreté, au chômage et aux inégalités et touche essentiellement les ménages, les TPE et les PME. Environ 1,7 milliard d'individus et 200 millions d'entreprises dans le monde n'ont pas accès aux crédits et produits d'épargne, selon les statistiques de la Banque mondiale. L'accès à un grand nombre de produits financiers permet : un lissage de choc de cycle de vie (maladies ou baisse de revenus), la réduction des inégalités de revenus (l'accès aux crédits réduit l'inégalité de revenus), et favorise la participation au tissu productif. Outils de financement Pour sa part, Rajae Aboulaich, professeur à l'Ecole Mohammadia d'Ingénieurs (Université Mohammed V), s'est arrêté sur les grands leviers actuels pour l'inclusion financière, à savoir : la Fintech, l'économie collaborative et la finance participative. «Il est clair qu'on assiste à un grand essor de l'économie financière grâce au développement du numérique», précise-t-elle. Durant ces dernières années le Maroc a connu certaines évolutions comme le m-wallet qui a été lancé en 2018 par Bank Al-Maghrib et l'ANRT. Le démarrage effectif du marché du paiement mobile n'a eu lieu qu'en 2020 avec la mise en place aussi du groupement du paiement mobile. En termes de chiffres, le nombre de mobiles portefeuilles a atteint 922.575 (m-wallet) à fin juin 2020 contre 539.984 fin mars 2020. Il en ressort que le confinement et les mesures sanitaires ont boosté l'utilisation de ces moyens de paiement. Pour ce qui est de l'économie collaborative, le crowdfunding représente un potentiel considérable pour les startups, les TPE et les associations. Actuellement, le cadre légal pour la mise en place de ce type de financement est dans le circuit législatif. Par ailleurs, le financement collaboratif via les associations est assez développé dans le pays, fait remarquer Rajae Aboulaich. Concernant le financement participatif, le Maroc dispose d'une palette d'offres pour les jeunes et les porteurs de projets tels que les produits Salam, Moucharaka, Istisnaa. «Au Maroc, la finance participative est très jeune, les banques participatives ont commencé par le mode de financement le plus simple et le plus sollicité par les clients «Al Mourabaha», explique l'experte ajoutant que l'offre de produits de financement est encore à l'état embryonnaire.