A peine sorti de prison, suite à une grâce royale, Mounir, 19 ans, a repris le chemin de la délinquance. A cause d'un paquet de cigarettes, il n'a pas hésité à tuer son ami, qui n'est autre que le frère d'un membre de la Salafiya Jihadia, actuellement en prison. À son dix-neuvième printemps, impliqué dans une affaire de vol coups et blessures, Mounir purgeait une peine d'emprisonnement de deux ans ferme. Ayant passé plus de la moitié de sa peine, il ne lui restait que quelques mois avant d'être relâché. Attendait-il impatiemment le jour de sa libération? Comptait-il les secondes, les minutes, les heures, les jours et les semaines, qui lui restaient ? Rêvait-il de regagner le foyer parental et rendre la joie à sa famille qui ne supportait plus les dépenses du « panier » et les visites hebdomadaires ? Certainement. D'ailleurs, c'était pour la première fois qu'il a été arrêté et condamné. C'était la première fois qu'il a été mouillé dans une affaire qui lui a coûté deux ans de sa vie, enfermé derrière les murs de la prison, dans la solitude et loin de sa famille. Une expérience carcérale qui l'encouragera à ne pas récidiver et qui le poussera à repenser àson avenir. Il ne rêvait que de refaire sa vie, la reprendre depuis le début , en faire quelque chose de plus honorable après sa sortie de prison. Bien que son niveau scolaire ne dépasse pas le primaire, il a décidé de s'aventurer pour reconstruire sa vie, ne plus recourir à la délinquance, gagner sa vie et se réintégrer dans la société. Et l'occasion est venue ce jeudi 14 avril. Il était l'un de ces 7.179 détenus qui ont bénéficié de la grâce royale à l'occasion de l'événement de la circoncision de Son Altesse Royale le Prince héritier Moulay El Hassan. Heureux de pouvoir enfin retrouver leur enfant, ses parents l'ont accueilli les bras ouverts. Désormais, ils ne seraient plus obligés de se rendre à Oukacha, ne feront plus la queue devant la porte de cette prison et ne seront plus humiliés par ses gardiens qui fouillent âmes et biens. Mounir, lui, pouvait enfin retourner à son quartier bidonvillois, Douar Sekouila, à la municipalité d'Ahl Laghlam, préfecture de Sidi Bernoussi-Zenata, Casablanca. Un quartier considéré comme l'un des fiefs de l'intégrisme où sont nés quelques jeunes des kamikazes qui ont semé, la nuit du vendredi 16 mai 2003, la terreur à Casablanca dans les tristement célèbres attentats qui ont frappé la capitale économique. A son retour, il n'a pas remarqué le moindre changement. Ses amis sont encore au chômage. Ils boivent, se droguent et s'adonnent à toutes sortes de vol. encore et toujours. Le rêve de changer sa vie s'est évaporé en un clin d'œil. Mounir n'a pas tardé à reprendre le même train de vie, les mêmes mauvaises fréquentations, passant ses jours comme ses nuits en leur compagnie. Un schéma qui l'a replongé dans le même gouffre de la délinquance. Ivresse, drogue et vol ; un trio qui est devenu son pain quotidien. Le vendredi 13 mai, un mois après son relâchement, Mounir a rencontré son ami Saïd A. Ce jeune de 21 ans, célibataire et sans profession est le frère de Hicham Alami, l'un des kamikazes de la Salafiya Jihadia qui a fait allégeance à l'émir du groupuscule, Abdelhak Bentassir, alias Moul Sebbat, qui se préparait à l'exécution d'attentats-suicide à Agadir et qui purge actuellement la peine de perpétuité. Quand Mounir et Saïd se sont rencontrés, vers 21h, ils se sont mis d'accord pour acheter un trois-quart de vin rouge et un paquet de cigarettes, marque “Marquize“. Partageant les dépenses, Saïd a réclamé sa part du paquet de cigarettes. Mounir a refusé prétextant qu'ils doivent les fumer ensemble jusqu'à la fin de la soirée. Très vite, les reproches se sont mus en injures. Et Saïd a perdu le contrôle. Sans patienter, il a saisi la bouteille du vin rouge, l'a frappé par le mur au point qu'elle a été brisée. Et il a avancé vers Mounir dans l'intention de le frapper par le tesson de la bouteille. Mounir a reculé et a mis sa main derrière son dos pour sortir un couteau. Il l'a brandi avant de l'enfoncer dans la poitrine de son ami. Saïd a lancé un cri strident. Les habitants sont sortis de chez eux pour voir ce qui se passait. En remarquant Saïd gisant dans une mare de sang, ils ont alerté les éléments de la Protection civile. Se dépêchant sur les lieux, ces derniers l'ont évacué vers l'hôpital de Sidi Bernoussi. Avant que la police n'arrive, Saïd avait déjà rendu l'âme. Et Mounir a été arrêté et accusé d'homicide volontaire.