Des centaines de manifestants ont trouvé la mort à Andijan, suite à une intervention sanglante des autorités ouzbeks. Les réactions internationales n'ont pas été à la hauteur du drame. Dans certains pays, les manifestations peuvent donner lieu à une série d'arrestations visant à intimider les personnes qui y ont participé. Dans un pays dirigé par un certain Islam Karimov soutenu par les États-Unis et la Russie, les manifestations peuvent tourner au drame. En effet, la ville d'Andijan, dans l'est de l'Ouzbékistan, a récemment été le théâtre d'une répression sanglante qui aurait coûté la vie à six cents civils, selon les témoignages rapportés par les agences de presse. Les milliers de manifestants qui se sont rassemblés sur la place centrale de la ville ne s'attendaient pas à ce que les soldats leur tirent dessus. «Ils nous ont tiré dessus comme des lapins», a déclaré un adolescent. Des témoins affirment aussi avoir assisté à des exécutions sommaires. «Les blessés qui essayaient de partir ont été achevés d'une rafale de Kalachnikov», raconte un homme d'affaires. La façade d'une école, théâtre selon certains d'un massacre de civils, a été criblée d'une vingtaine de balles. «La situation est terrible. Des innocents ont péri, et on a posé des fusils à côté des civils tués pour faire croire que ce sont des terroristes», accuse un habitant de la ville. Au moins six cents personnes ont trouvé la mort lors de ces opérations militaires. Cinq cents cadavres étaient déposés dans l'une des écoles d'Andijan, a précisé la responsable de l'ONG ouzbèke Animokour, Goulbahor Tourdieva. Cent autres cadavres gisaient dans un collège professionnel, a-t-elle ajouté. Un journaliste local, qui a réussi à pénétrer dans le bâtiment, a décompté 32 corps d'hommes, nus, parfois posés dans la cour, certains avec une balle dans la tête, la poitrine ouverte puis recousue par les médecins légistes. La veille, dit-il, «une soixantaine de corps avaient déjà été récupérés par les familles». Les autorités ouzbeks ont «seulement» reconnu 70 morts et autant d'arrestations. En effet, un responsable ouzbek a déclaré sur la base des chiffres fournis par le ministre ouzbek de l'Intérieur Zakir Almatov que plus de soixante-dix personnes avaient été tuées dans les tirs de vendredi à Andijan et 70 "organisateurs de troubles" avaient été arrêtés. M.Almatov aurait révélé ces chiffres dimanche, au cours d'une rencontre avec les principaux responsables de la région, a précisé ce fonctionnaire, qui a assisté à la réunion et a requis l'anonymat. Malgré cette répression à grande échelle, les réactions internationales sont restées rares. Seul le secrétaire britannique au Foreign Office, Jack Straw, a dénoncé sur la chaîne BBC «des violations évidentes des droits de l'Homme, un manque de démocratie et d'ouverture». Jack Straw a également exhorté les autorités de Tachkent à autoriser la Croix-Rouge et des observateurs étrangers à se rendre sur place. Le ministère des Affaires étrangères ouzbek a aussitôt réagi. Exprimant sa "surprise", le ministre s'est demandé "d'où M.Straw savait que les forces de l'ordre avaient tiré sur les manifestants alors que cela n'avait pas eu lieu. Il a, par ailleurs, conseillé à Jack Straw de prendre connaissance du texte de la conférence de presse du président Islam Karimov. L'enregistrement de celle-ci, malgré sa durée de deux heures et demie, a été re-diffusé intégralement à plusieurs reprises par la télévision de Tachkent. De son côté, l'ONG Human Rights Watch a fustigé dimanche les autorités ouzbeks pour avoir fait tirer sur des manifestants sous couvert de «guerre contre le terrorisme». «Il ne s'agit pas de terrorisme, mais de personnes s'exprimant contre la pauvreté et les répressions», a déclaré Holly Cartner, responsable de l'Asie centrale au sein de l'organisation de défense des droits de l'Homme, qui dit craindre «de plus larges représailles». L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également exhorté la direction ouzbek à «prendre en considération les droits des personnes prises dans les troubles». Son représentant à Tachkent, Miroslav Jenea, a proposé «l'assistance de l'OSCE pour enquêter sur les causes profondes des troubles, avec comme objectif une solution viable». Pour sa part, le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, a appelé à "une résolution pacifique" du conflit et s'est dit être "inquiet" au sujet de la situation en Ouzbékistan. «Toutes les parties doivent faire preuve de maîtrise de soi et les tensions actuelles doivent être désamorcées par des moyens pacifiques», a déclaré le responsable de l'OTAN dans un communiqué.