La hausse des prix des produits pétroliers était prévisible. La flambée du baril a rendu nécessaire une telle décision. D'autres mesures sont attendues pour réduire la pression sur la Caisse de compensation. La hausse des prix de vente de base des produits pétroliers, à compter du 16 mai 2005, a eu l'effet d'une surprise de mauvais goût pour le consommateur dont le pouvoir d'achat est déjà faible. Elle n'en était pas moins très attendue. Ainsi, à l'exception du prix du gaz butane qui reste inchangé, une hausse de 50 centimes touchera l'essence super ( à 9,85 DH le litre), l'essence ordinaire (à 9,45 DH le litre), le pétrole lampant ( à 6,46 DH le litre), le Gasoil ( à 6,46 DH le litre) et le Gasoil 350 ( à 7,70 DH le litre). Cette annonce était tellement prévisible que personne ne trouve à y redire. Même pour le Fuel industriel qui subira une hausse de 500 DH, soit +24 %, à 2.581,00 DH la tonne. Les professionnels s'y attendaient. «Il est assurément difficile de contester une telle mesure. Les prix à l'international ont connu des hausses importantes. L'Etat ne peut plus reporter la répercussion des prix à la pompe», estime Ahmed Zarouf, président de l'Association des avitailleurs d'Agadir, parmi les plus lourdement impactés par cette hausse. En effet, le ministère chargé des Affaires économiques et générales explique que "devant la persistance du cours élevé du pétrole qui se situe actuellement à 50 dollars le baril se traduisant par des prévisions de déficit pour l'ensemble de l'année 2005 pouvant atteindre 6,3 milliards de DH, la révision des prix intérieurs est rendue nécessaire" avant de préciser que "les hausses appliquées ne concernent qu'une partie du surcoût qui n'a pas été répercuté sur le consommateur". Mieux encore, Lahbib El Eulji, parlementaire et membre de la commission des Finances au Parlement estime que par cette action, en dépit des chiffres du déficit annoncés (6,3 milliards pour les Affaires générales contre plus de 7 milliards pour le ministère des Finances), l'Etat met ainsi fin à une situation de non droit qui dure depuis 10 ans (cf entretien ci-contre). D'entrée, grâce à cette mesure, l'Etat soulage de 20% le déficit annoncé de la Caisse de compensation. De plus de 7 milliards de DH, le déficit passera, suite à la hausse à la pompe, à 5 milliards de DH. En plus, l'argentier du Royaume compte user d'autres artifices pour réduire la facture pétrolière. Si l'arrivée prochaine des Marocains résidant à l'étranger (plus de 400 000 véhicules) constitue un risque, la fin de l'année scolaire doublée de celle de la saison agricole sont autant de moyens de réaliser des économies d'énergie. Autre mesure, la mise en place l'horaire continu au sein de l'administration. Le département de Mohamed Boussaid semble avoir tranché et a arrêté son programme en la matière. De sources proches du dossier, les simulations du ministère de la Modernisation de l'administration font la distinction entre l'heure légale, source d'économies multiples, de l'horaire continu. Selon les simulations, la facture pétrolière du transport des fonctionnaires à Rabat, entre 12 h et 14 h, sera diminuée de 100 millions de DH par an, suite à l'immobilisation du parc automobile durant cette tranche horaire. Le travail fait sur le comportement des fonctionnaires de Rabat (le cinquième des fonctionnaires du Maroc) ont révélé que les employés de l'administration publique utilisent pour 40% leur véhicule propre, 25 à 30% le transport en commun ou celui des administrations. L'économie d'énergie est donc à chercher du côté des comportements établis. Par contre, certains plaident pour l'alignement sur les pratiques internationales. Le passage à l'heure d'été en est une. D'autres, à l'image du président de la Fédération de l'énergie, My Abdallah Alaoui, plaident en faveur d'un système plus équitable. Les grands consommateurs ne doivent pas être mis sur le même pied d'égalité que les petits. À ce titre, l'exemple de deux consommateurs types est éloquent. Celui d'un propriétaire d'une voiture de plus de 300 000 DH, qui reçoit 9660 DH par an de compensation contre le propriétaire d'une mobylette qui touche 270 DH par an de compensation ! « L'effort de valorisation des prix, à mon sens, doit aussi toucher le secteur du gaz butane. Nos études démontrent que les prix pratiqués au Maroc ne sont pas conformes aux pratiques mondiales. Cela est de nature à donner des velléités aux contrebandiers », précise My Abdallah Alaoui tout en rappelant un autre surcoût supporté, cette fois, par l'Office national de l'électricité. En effet, l'ONE, suite à la flambée du prix du charbon, supporte un surcoût de 1,3 milliard de DH…Sans que cela ne soit répercuté ! Globalement, des augmentations importantes de prix devaient intervenir depuis plusieurs mois et ont été à chaque fois différées dans la perspective d'un retour des prix du pétrole sur le marché international à un niveau moins élevé. L'Etat a dû supporter à ce titre, entre janvier et avril 2005, une charge de 2 milliards de DH. Ce montant s'ajoute à l'enveloppe de 3,5 milliards de DH supportée par le Budget de l'Etat au titre des subventions des prix des produits pétroliers liquides et gazeux en 2004. Moralité, la vérité à la pompe est devenue une nécessité. Reste à souhaiter que la vérité sur les chiffres des déficits, pour le moins contrastés, soit établie.