Saâd Mouline, ingénieur hydraulicien et élu communal de l'USFP à Rabat, estime que l'entreprise “Redal” profite du manque de suivi et de contrôle pour faire un maximum de profit. ALM : Quelles sont vos impressions concernant la gestion déléguée de l'eau, l'électricité et l'assainissement liquide à Rabat? Saâd Mouline : Tout d'abord, je tiens à rappeler que j'étais, en 1998, l'un des plus fervents opposants à la manière avec laquelle cette gestion déléguée a été effectuée. A l'époque, nous avons affirmé que la gestion d'un service public par le secteur privé pouvait être une bonne chose, à condition que l'opération soit totalement claire. Hélas, le choix des opérateurs espagnol, et portugais s'est effectué de gré à gré, sans prise en compte du professionnalisme de ces sociétés. Et manifestement, l'histoire nous a donné raison. Qu'en est-il aujourd'hui, c'est-à-dire depuis l'avènement de “Veolia”? Nous avons corrigé une erreur par une autre. Si la société a fait faillite, il fallait qu'elle rende compte à la communauté. Et par la suite, nous devions choisir une nouvelle société ou un groupement de sociétés. Mais les transactions ont eu lieu dans un secret total. J'en porte responsable, en plus des dirigeants de Veolia, l'actuel président du Conseil de la ville, Omar Bahraoui, qui occupait le poste de président de la Communauté urbaine, et certains cadres du ministère de l'Intérieur. En tant qu'élu de l'opposition, quelles reproches faites-vous au gestionnaire délégué? Je reproche tout d'abord à l'actuelle majorité son manque d'efficacité. Figurez-vous que depuis les élections communales de septembre 2003, les élus de l'opposition au sein du Conseil de la ville ont été carrément écartés du comité de suivi. Celui-ci est composé d'élus communaux qui effectuent, en principe, un contrôle politique. Ce comité s'est doté d'un service permanent regroupant des personnes chargées d'exercer un suivi et un contrôle technique de la gestion déléguée. Dans ces deux structures, les élus de l'opposition ont été totalement écartés. En clair, quel type de contrôle exerce la partie marocaine sur l'activité de Redal? Pour être sincère, je suis convaincu que le côté marocain ne contrôle rien du tout. La raison est bien simple. C'est le manque de volonté. Les intérêts personnels de certains les poussent à n'effectuer aucun contrôle. C'est la triste réalité. Pensez-vous que “Redal” profite de ce manque de contrôle pour frauder par exemple ? Je n'ai pas de preuve pour affirmer sans équivoque que Redal est coupable de fraude. Mais ce qui est sûr, c'est que par exemple les entreprises marocaines sont écartées au profit des filiales du groupe. Ce qui est anormal. Nous aurions souhaité que la présence d'un grand groupe international profite, surtout sur le plan du savoir-faire, aux opérateurs nationaux. Aussi, les factures que Redal présente sont parfois exorbitantes. Et c'est finalement le citoyen, comme vous et moi, qui paie les choix de Redal. En somme, nous avons assez d'éléments qui prouvent ce manque de suivi et de contrôle. Nous les présenterons en temps voulu. Mais en attendant, je tiens à vous dire que je suis vraiement déçu de Redal, car elle profite de ce manque de contrôle pour faire un maximum de profit. Je citerais l'exemple de la recherche. Il est prévu dans le contrat que les 20% de l'enveloppe consacrée à la recherche faite par Redal doivent être dépensés au Maroc. Du temps des Portugais, cette exigence n'a jamais été respectée. Je me demande si Redal aujourd'hui l'applique effectivement. Avez-vous l'intention, en tant qu'élu socialiste de profiter de l'effritement de la majorité au Conseil de la ville pour rectifier un certain nombre de tirs? Il est malheureux de dire que l'actuelle majorité a été consolidée et cimentée par les gens de la wilaya et le ministère de l'Intérieur. Aujourd'hui, Rabat connaît un grand recul en matière démocratique.