Le processus de régularisation des immigrés en Espagne permettra à environ 700.000 immigrés, dont plus de 75.000 Marocains, d'avoir leur permis de résidence, tout en laissant de côté des dizaines de milliers d'autres sans-papiers sur lesquels pèse la menace d'expulsion. Les chiffres définitifs du processus exceptionnel de normalisation des travailleurs étrangers, la plus importante opération de régularisation des immigrés clandestins en Europe, montrent que les Latino-américains en sont les premiers bénéficiaires et que les Marocains viennent en troisième position. Les immigrés marocains sont précédés par les Equatoriens et les Roumains. "Je suis très satisfait. La légalité a pris la place de l'illégalité. L'ordre a remplacé le désordre et les droits ont remplacé la marginalisation. C'est la signification de ce processus: légaliser l'économie souterraine", a déclaré le ministre du Travail et des Affaires sociales, Jesus Caldera, dans un entretien au journal "El Pais", publié dimanche. "Près de 700.000 sur 800.000, soit pratiquement 90% du maximum "légalisable" des personnes qui travaillaient au noir (…) Les retombées pour les coffres de l'Etat espagnol et notamment le budget de la Santé sont également très significatives, puisque les contributions à la Sécurité sociale des immigrés nouvellement régularisés sont estimées par le ministre entre 1 et 1,5 milliard d'euros pour l'année prochaine. Ce processus avait la particularité que les demandes de régularisation soient déposées par les employeurs. Si un pan entier de l'économie souterraine et du travail au noir est monté à la surface, le phénomène n'est pas pour autant éradiqué. Sur ce plan, le gouvernement socialiste compte sévir dès la semaine prochaine. M. Caldera a annoncé une intensification des contrôles des inspecteurs du travail dans les régions qui ont enregistré un nombre relativement faible de demandes de régularisation par rapport au nombre des immigrés recensés par les mairies. C'est le cas flagrant de Sebta et de Mélilla où seulement une trentaine de demandes ont été déposées, a relevé ce responsable gouvernemental. "Nous allons passer tout cela au peigne fin car je suis convaincu qu'on y a affaire à énormément de travail irrégulier. Nous allons sanctionner". A cet effet, quelque 500.000 inspections sont prévues à travers l'Espagne pour le reste de l'année 2005, a-t-il prévenu. Reste le cas des immigrés dont les patrons ont refusé de leur accorder le précieux contrat de travail, ceux qui n'ont pu fournir un dossier complet, ou encore ceux qui n'auront pas satisfait à toutes les conditions du processus de régularisation. Pour éviter l'expulsion des dizaines de milliers d'immigrés -150.000 selon les estimations officielles, un million selon des ONG- ils devront, selon le ministre, "recourir à la voie de l'enracinement salarial ou social établie par la réglementation". Sinon, ils seront "rapatriés (dans leurs pays d'origine) dans des conditions humanitaires. Il n'y a pas d'autre alternative". Des voix s'élèvent pour éviter cet ultime recours, telle la coalition Gauche Unie-Verts (IU-ICV) au Congrès des députés qui va présenter une proposition de loi pour établir un "cadre de régularisation" pour ceux qui n'ont pu présenter des demandes de régularisation à cause de "l'attitude frauduleuse de leurs employeurs". En effet, plusieurs syndicats et associations de défense des immigrés n'ont eu de cesse de dénoncer le chantage pratiqué par certains entrepreneurs peu scrupuleux qui exigeaient de leurs employés immigrés d'importantes sommes d'argent pour leur délivrer un contrat de travail, l'une des pièces maîtresses du dossier de régularisation avec le certificat de résidence délivré par la municipalité. "Il existe des secteurs économiques et des entreprises qui continuent de tourner avec des immigrés en situation irrégulière et d'autres qui les ont licenciés pour éviter de les régulariser", a dénoncé le porte-parole du groupe parlementaire IU-ICV, Joan Herrera. (…)Sur les 3,6 millions d'étrangers vivant en Espagne au 1er janvier 2005, un million sont des ressortissants de pays de l'Union européenne et seulement 1,3 million ont un permis de résidence, d'où 1,3 million de ans-papiers. • Saïd Ida Hassan (MAP)