Dans une étude, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme reconnaît un racisme anti-musulman et en détaille les signes. Il faut parler de phénomènes d'"intolérance à l'égard de l'Islam" plutôt que d'islamophobie. Mais les faits de violence comme les réactions hostiles dans le débat sur la place de l'Islam dans la société française sont bien réels. Telles sont les conclusions d'une étude de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui devrait être publiée dans le rapport annuel en mars 2004 et dont le quotidien français «Le Monde» a pu se procurer une copie. Constatant que depuis quelques mois, des actes de violence ont touché des symboles religieux musulmans, que des "livres haineux" et certains médias ont pris l'Islam comme cible, la CNCDH - organe placé auprès du Premier ministre composée de représentants des associations et de l'administration - a cherché à savoir si un racisme spécifique touchait désormais les Musulmans. Les résultats de l'étude, rédigée par l'ex vice-présidente de SOS-Racisme, Sarah Bénichou, ont été âprement discutés lors d'une assemblée de la CNCDH, vendredi 21 novembre. Certaines associations comme le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) ou la Ligue des droits de l'Homme critiquaient une première version, qui tendait, selon eux, à nier le phénomène de l'islamophobie et l'expliquait par un contexte international présentant l'Islam comme responsable de cette stigmatisation. Fortement amendée mais validée, l'étude recommande d'employer le terme d'islamophobie avec "la plus grande précaution". Parmi les raisons évoquées, la volonté de ne pas faire d'amalgame entre "Arabe" et "Musulman" alors que cette intolérance se confond souvent avec le racisme anti-maghrébin. Pour la première fois, la CNCDH met toutefois en lumière un racisme spécifique anti-Musulman. Les auteurs ont cherché à donner une définition de ce phénomène émergeant. Il s'agirait d'"une peur irraisonnée et un rejet total de l'Islam à la fois comme religion, mode de vie, projet communautaire et culture". Cette hostilité, nourrie d'événements internationaux comme la guerre civile algérienne, les attentats du GIA en France en 1995, le régime Taliban en Afghanistan et les attentats du 11 septembre, s'est vue "renforcée avec la confusion des termes musulman, islamique, fondamentaliste, islamiste, terroriste", assure l'étude. Les amalgames ont jeté l'opprobre sur tous ceux qui ont une pratique rigoriste de l'Islam, alors suspectés d'islamisme politique. Le rapport met ensuite en exergue les actes de violence contre l'Islam, difficile à dénombrer, selon les auteurs, car le ministère de l'Intérieur n'en fait pas une catégorie spécifique. Ces faits ne sont pas non plus répertoriés par les organisations communautaires, comme cela est fait pour les actes antisémites. L'étude cite cependant certains "passages à l'acte" comme les tracts anti-Musulmans provenant de la mouvance d'extrême droite, les tentatives d'incendie de lieux de culte, les violences verbales ou physiques frappant des personnalités liées à l'Islam, les graffitis anti-Musulmans et enfin les propos publics de certaines personnalités. Dans l'attente des statistiques de 2003, quelques exemples de violences graves sont listés pour 2002 : cocktails molotov jetés contre les mosquées de Méricourt (Pas-de-Calais) et de Châlons (Marne), les 25 et 27 avril, et le 24 mars contre celle d'Ecaudin (Rhône) ; lettre piégée destinée à une association hébergée à la mosquée de Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 9 avril ; profanation d'une sépulture musulmane à Lyon, le 24 avril ; tentative d'incendie d'un lieu de culte à Rillieux-la-Pape (Rhône), le 27 décembre ; tracts anonymes pendant la campagne présidentielle. Pour 2003, trois faits sont notés : la profanation de tombes dans le Haut-Rhin en juillet, l'incendie d'un lieu de culte à Nancy et la profanation d'un carré musulman dans la Meuse en mars.