Entretien avec Rachida Roky, secrétaire générale du réseau de lecture au Maroc Le réseau de lecture au Maroc a lancé, parallèlement au confinement, une initiative appelée «Kra fdarek» (Lis à la maison). Sa secrétaire générale parle de cette belle expérience qui a été bien accueillie par plusieurs internautes sur les réseaux sociaux. Mme Roky, qui s'exprime également sur la réconciliation des Marocains avec la lecture en cette période, lance des perspectives de cette initiative après le déconfinement. La lecture étant une pratique à exercer tous les jours. ALM : Le réseau de lecture au Maroc, qui compte déjà un grand nombre de membres, s'est élargi en cette période de confinement à travers l'initiative «Kra fdarek» lancée sur Facebook. Comment vous y avez mobilisé d'autres lecteurs ? Rachida Roky : Notre réseau est un ensemble d'associations légalement constituées et actives dans plusieurs villes marocaines. Chaque filiale du réseau soutient les activités de lecture dans les établissements scolaires ou universitaires, en participant à l'animation des clubs de lecture. De ce fait, les membres du réseau ont un contact régulier avec les élèves et avec les étudiants universitaires tout le long de l'année. Ce contact a continué à travers les réseaux sociaux et quand notre appel de lecture «Kra Fdarek» a été lancé, il a eu un écho premièrement chez les lecteurs adhérents aux clubs de lecture, ensuite, chez de nouveaux lecteurs qui ont vu l'annonce sur les réseaux sociaux. Nous saluons les professeurs qui ont continué à animer à distance les clubs de lecture, non seulement dans les grandes villes mais aussi dans le milieu rural et dans les villes éloignées. Nous avons reçu des vidéos de promotion de la lecture enregistrées par des jeunes du milieu rural de la région d'Ouled Fares de Settat, de Guelmim au Sud du Maroc, qui ont gardé le contact entre eux via Internet et aussi avec leur professeurs, et qui ont continué à échanger la passion de lire, malgré le confinement. Aussi, au cours de cette année scolaire nous avons encouragé des lecteurs confirmés, par exemple, ceux qui ont gagné des prix de lecture, à animer une heure de lecture dans les bibliothèques des établissements scolaires. Ceci a élargi le nombre d'élèves qui reçoivent les messages de sensibilisation à la lecture. Les médias ont aussi joué un rôle positif pour donner plus de visibilité à notre initiative de lecture. Outre «Kra fdarek», qui est un café littéraire en ligne, d'autres ont vu le jour. Que pensez-vous de ce foisonnement ? C'est bien un café littéraire en ligne dont les vidéos et les lectures partagées soulèvent souvent des échanges entre les lecteurs et créent de nouvelles amitiés qui nous aident à supporter les contraintes psychologiques du confinement. Notre initiative n'est certainement pas la seule au Maroc. Plusieurs jeunes marocains ont lancé de belles actions de promotion de la lecture à travers les réseaux sociaux. Je cite une belle initiative de lecteurs de Beni Mellal intitulée «Ktoubtna», qui est suivie par un grand nombre de lecteurs au niveau national. Elle présente les commentaires de lecteurs assez avancés sur les livres de leur choix. Elle présente aussi des extraits audio de livres, enregistrés par les lecteurs eux-mêmes. Qu'en est-il de la pérennité de votre expérience après la fin du confinement ? Le réseau de lecture invente, en continu, de nouvelles actions pour séduire de nouveaux lecteurs. Ces actions peuvent être des prix de lecture, des prix d'écriture, des rencontres avec les grands écrivains, l'organisation de tables rondes animées par les jeunes lecteurs, l'organisation de randonnées pour les lecteurs, la lecture de la poésie, la formation des jeunes, etc. L'élan des membres, qui sont souvent des professeurs, vis-à-vis de l'enseignement à distance nous a aussi encouragés à adopter des formes de formation et des approches nouvelles concernant l'accompagnement des jeunes dans le travail associatif. Notre association est bien déterminée à aller de l'avant et défendre la cause de la lecture à tous les niveaux. Nous organisons des formations pour renforcer la capacité des jeunes et améliorer la qualité de l'animation socio-éducative, de l'apprentissage du volontariat et du travail associatif, de l'élaboration des outils d'information et de communication et des outils médiatiques. Il s'agit de renforcer la capacité d'organisation des évènements culturels par les jeunes, pour les jeunes. En ces jours de confinement, il y a un énorme partage de livres électroniques. Est-ce que cette situation est selon vous de nature à réconcilier les Marocains avec la lecture ? Oui, cette situation peut encourager les Marocains à lire. Le fait d'avoir beaucoup de temps, de recevoir beaucoup de messages incitant à la lecture, de recevoir des offres spéciales des centres culturels qui offrent un accès gratuit à leur bibliothèque numérique avec une large sélection des œuvres littéraires, des essais, des livres d'apprentissage des langues, des bandes dessinées, de la littérature jeunesse ; c'est tout ce qu'il faut pour donner l'envie de lire.