Sept mois après son investiture, le gouvernement Driss Jettou est appelé à réviser son programme. Les directives Royales appelant le gouvernement à mettre en place un plan urgent en vue d'affronter les problèmes socio-économiques ont poussé le cabinet Jettou à revoir ses priorités. Le gouvernement est en train de revoir son programme dans le temps et dans l'espace. C'est le Premier ministre lui-même qui l'a indirectement annoncé, mardi, dans son intervention devant la Chambre des Conseillers. Répondant à des questions orales sur le thème "la politique de proximité", le chef de la primature a profité de l'occasion pour dresser le bilan des sept mois d'exercice de son gouvernement qu'il a jugé positif et a, par la même occasion, présenté les grandes lignes d'une révision de son programme. À ce propos, l'intervention du ministre a démontré que son cabinet a décidé de procéder à un recadrage de ses priorités et de leur calendrier de réalisation. Une correction de cap qui serait une conséquence immédiate des attentats terroristes perpétrés à Casablanca le 16 mai dernier. Une nouvelle donne qui a révélé la nécessité de remédier d'urgence aux problèmes socio-économiques majeurs dont souffre la société marocaine dont le déficit enregistré dans le domaine du logement, la marginalisation de certaines régions rurales et des périphéries des grandes villes, ainsi que le manque d'encadrement associatif de la jeunesse marocaine. Le Premier ministre, qui avait axé sur programme sur un objectif macroéconomique ambitieux à savoir la mise à niveau et l'investissement étranger aux dépens d'une réelle politique de proximité socio-économique s'est vu dans l'obligation de revoir sa copie en axant ses efforts sur les problèmes sociaux qui constituent la principale préoccupation de la majorité des citoyens. Ainsi, dans le domaine du logement, Jettou a annoncé que son gouvernement était déterminé à relever le défi de la construction de 100.000 logements par an. En effet, les événements tragiques que le Maroc a dernièrement connus ont démontré que la prolifération des bidonvilles et de l'habitat insalubre et anarchique dans les périphéries des grandes villes constituent le principal ennemi de notre développement que le gouvernement est appelé à affronter d'urgence. Il s'agit là d'une priorité que Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait appelé le gouvernement à affronter d'urgence lors du discours Royal à l'ouverture de la nouvelle législative. "De même, nous ne saurions préserver au citoyen sa dignité qu'en lui assurant un logement décent et en accélérant la mise en oeuvre du programme national de lutte contre l'habitat insalubre et d'éradication des bidonvilles. Ceux-ci constituent, en effet, une menace pour la cohésion et l'équilibre du tissu social et une source de frustration, d'exclusion, de déviation et d'extrémisme", avait dit le Souverain. Dans son intervention devant la Chambre des Conseillers, Jettou a annoncé que la construction de 100.000 logements par an à faible coût, s'inscrit dans le cadre du plan d'habitat s'articulant autour de la réalisation du programme national de lutte contre l'habitat insalubre et des actions visant à faire bénéficier les populations à faible revenu d'un logement décent. Avouant que certaines difficultés pèsent toujours sur le secteur de l'habitat, en dépit des efforts déployés et des politiques et programmes mis au point par l'Etat dans ce secteur depuis des années, il a rappelé qu'une population de 1.250.000 personnes vit dans des habitats insalubres, dont 540.000 dans des quartiers non réglementaires et sous-équipés et 700.000 dans des bidonvilles et des maisons menaçant ruine. Pour y remédier, le gouvernement a décidé de prendre des mesures urgentes. Ainsi, il a été convenu que l'Etat encouragera toutes les initiatives qui vont dans le sens de la mobilisation de la réserve foncière publique dans toutes ses composantes, y compris les terres collectives, l'objectif étant d'alléger le coût de l'immobilier pour ce qui est de la production de logements sociaux et d'augmenter l'offre des lots de terrain, à des prix accessibles à l'ensemble des couches sociales, tout en luttant contre la spéculation foncière. Jettou a noté que ces mesures concernent également la mise en place de fonds de garantie pour encourager et faciliter l'accès aux crédits bancaires notamment pour les couches à revenu faible ou variable et l'incitation du secteur bancaire à développer le système des crédits-logements, ajoutant que le gouvernement a oeuvré, dans le cadre du programme de 100.000 logements, à la mise en place et au développement de nouveaux types d'habitat social à faible coût, à savoir les habitats fins prêts (80 à 120.000 DH), les habitats semi-finis se prêtant à l'extension et les lots équipés partiellement ou graduellement, avec un coût compétitif au regard des offres disponibles dans les quartiers non réglementaires. Par ailleurs, le chef du gouvernement a donné un aperçu sur les initiatives que son cabinet a décidé de prendre dans différents secteurs sociaux à savoir la santé, le transport, la lutte contre l'analphabétisme, l'organisation de l'activité de marchand ambulant et le soutien gouvernemental au tissu associatif marocain travaillant dans le domaine social. Telles qu'exposées par le chef de la primature, ces initiatives reflétent une réelle volonté de faire face aux carences socio-économiques graves dont souffre le pays. Mais, il est à noter que Jettou, en tant que Premier ministre pragmatique et technocrate, est appelé à faire preuve d'efficacité en concrétisant son programme dans les meilleurs délais.