Le grand critique d'art français, Pierre Restany, est décédé, mercredi 28 mai à Paris, à l'âge de 73 ans. Ce natif de Casablanca avait tissé des liens d'amitié avec les peintres marocains. Son rôle quant à l'internationalisation de leur art est toutefois très controversé. «Peins en bleu, et je te rendrai plus célèbre que Yves Klein !» Cette phrase a été adressée, selon Abdellatif Zine, par Pierre Restany au peintre marocain Jilali Gharbaoui. Ce dernier était plus proche de la terre que du bleu du ciel ou de l'azur de la mer. Il a donc fait la sourde oreille à la proposition de l'un des plus grands critiques d'art en Occident. Mais cette phrase reste anecdotique, et les avis des peintres marocains sur le rôle de Pierre Restany dans la promotion des arts plastiques au Maroc sont partagés. Pour Fouad Bellamine : «Pierre Restany avait beaucoup de sympathie pour la peinture marocaine, parce qu'il est né à Casablanca et qu'il a passé son enfance au Maroc». Ce lien entre le pays natal du critique et son intérêt pour les artistes marocains est sans doute vrai. Et pour preuve, dans un texte dactylographié, constitué de 6 pages et datant de 1990, Pierre Restany a écrit sur le «trans'art», initié par Abdellatif Zine : «J'ai subi la fascination de Zine de façon absolument directe pour des raisons un peu sentimentales. Quand j'étais très jeune, avant la seconde guerre mondiale, je vivais à Casablanca, et j'avoue que pour un enfant de mon âge, le passage régulier, surtout au moment des fêtes, des Aissaouas était une sorte d'intervention fantaisiste qui meublait ma mémoire, j'étais évidemment très fasciné par ce genre de rituels extrêmement précis, codifiés et fortement spectaculaires». Le peintre Mohamed Kacimi n'est pas tout à fait d'accord sur l'intérêt témoigné par Pierre Restany à l'art marocain. «S'il avait défendu Gharbaoui, ce peintre aurait trouvé sa place dans l'école de Paris et les musées internationaux. Pierre Restany en avait le pouvoir, mais il ne l'a pas fait», affirme-t-il. Mohamed kacimi ajoute que Pierre Restany s'est intéressé «superficiellement à quelques individualités, mais c'est le “Nouveau Réalisme”, lié à l'Histoire occidentale bien entendu, qui était son véritable foyer d'intérêt». Tout en reconnaissant l'importance de Pierre Restany dans le monde occidental, en tant que théoricien et concepteur du «Nouveau Réalisme», Fouad Bellamine n'en démord pas moins de son idée quant à l'intérêt que le critique français a porté à la peinture au Maroc. Il rappelle à cet égard «la participation de Pierre Restany à une très importante exposition à Rabat». Il s'agit de l'exposition de 1963 aux Oudayas où des œuvres de Picasso, Braque, Soulages, Hartung ont été exposées, à côté de tableaux de peintres marocains. Quant au mouvement qui a rendu célèbre Pierre Restany dans le monde, le «Nouveau Réalisme» repose, en gros, sur une appréhension moderne de la nature et un retour à «un humanisme de l'objet industriel» où il s'agit de porter un regard neuf sur le nerf contemporain dans la ville, dans l'usine… Les noms des artistes qui ont participé à ce mouvement sont inscrits en lettres d'or dans l'histoire de l'art. Il s'agit d'Arman, César, Christo, Deschamps, Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Rotella, Niki de Saint-Phalle, Spoerri, Tinguely et Villeglé. Tous sont Occidentaux!