L'Etat, principal actionnaire de la Régie des Tabacs, vient de recevoir 14 milliards de DH en contrepartie de sa cession à Altadis. Bonne affaire pour le Maroc, au lendemain des terribles évènements du 16 mai. Comme annoncé par le quotidien ALM (n°370) il y a eu une réelle bousculade autour de la Régie des tabacs. Le tabagiste marocain a séduit tous les majors du secteur à l'échelle internationale qui ont manifesté leur intérêt pour cette privatisation. Les majors n'ont pas lésiné sur les moyens pour s'enquérir de l'état de santé de la régie privatisée. Hier, lundi 2 juin, les plis ont été ouverts. L'heureux gagnant est le leader européen Altadis (née de la fusion du français Seita et de l'espagnol Tabacalera). L'offre financière a fait la différence. Altadis a offert 14 milliards de DH alors que les autres candidats ont été moins disants. British American Tobacco a offert 10 milliards de DH contre 9 milliards de DH pour Philip Morris. D'autres candidats avaient retiré le dossier tels que Impérial Tobacco, Japan Tobacco, Gallaher et China Tobacco. Le premier critère d'éligibilité, comme défini par le cahier des charges, est que le futur candidat doit avoir des capitaux propres consolidés au dernier exercice (2002) de 1,5 milliard d'euros (près de 15 milliards de DH) ou une capitalisation boursière calculée sur les 60 derniers jours supérieure à 1,5 milliard d'euros. L'autre condition, la société candidate réalise au moins 50 % de son chiffre d'affaires dans le secteur du tabac. Sur cet aspect, il est à signaler que la tendance mondiale est de greffer l'activité tabac à un pôle de distribution plus vaste. Ainsi, par exemple, le groupe Philip Morris en plus du tabac est présent sur les segments du chocolat, confiseries et autres produits. Cette approche est déjà appliquée au Maroc. Il faut savoir aussi que Philip Morris est déjà parmi nous, via… la société Kraft. Cependant, d'autres atouts ont certainement été pris en considération pour le choix définitif. Ainsi le leader européen Altadis a fait miroiter son soutien, efficace, à la culture du tabac. En plus de ses performances industrielles, la reconversion des cultures du nord du Maroc peut être un élément déterminant dans ce cadre. En plus, son offre financière était alléchante. Contre 6,4 milliards de DH attendus, 14 milliards ont été proposés. Il est toutefois bon de signaler que c'est un nouveau record après celui enregistré par Maroc Telecom. Le calendrier, fixé à fin mai, a été bien respecté. Aussi, c'est une bonne affaire pour le conseiller d'Altadis, la banque d'affaires Attijari Finance. La Régie des Tabacs offre un marché relativement large, qui représente plus de 15 milliards de cigarettes par an. Elle est le cinquième marché par la taille du continent africain derrière l'Egypte, l'Afrique du Sud, l'Algérie et le Nigeria. En plus, la localisation géographique du Maroc, à la croisée du Monde arabe, de l'Europe et de l'Afrique, est un pôle d'attraction pour les échanges internationaux et une plate-forme d'expansion régionale pour des grands groupes étrangers désireux de pénétrer le marché nord-africain. Donc, l'offre étatique portant sur la cession en bloc de 80 % du capital de la Régie est un succès. Selon les déclarations de directeur de la DEPP, l'Etat envisage la cession des 20 % restants via une offre publique de vente (OPV) qui pourra se faire dès que l'actionnaire majoritaire et la Régie auront pu mettre en oeuvre les synergies escomptées. De source proche du dossier, l'appel d'offres sera bientôt lancé. La Régie s'introduirait donc à la Bourse des valeurs de Casablanca. Bonne affaire aussi pour la CDG qui est montée à hauteur de 20 % du capital de la Régie, dans le cadre de la préparation de la privatisation en procédant à l'externalisation de la caisse des retraites. La CNRA, filiale de la CDG, a pris en charge la gestion de cette caisse. Son retrait est acquis. Cette opération a été initiée dans le cadre « d'un portage pour l'Etat ».