L'environnement des urgences est source de stress mais également de contamination par le malade. Les risques accompagnent la tâche du médecin et de l'infirmier. Explications. Les urgences sont par définition un lieu qui reçoit et traite dans l'immédiateté les problèmes médicaux aigus. Fréquentation en augmentation constante, visites parfois injustifiées, pénurie de lits, de moyens médico-techniques, actes de soins prodigués sans mesures de sécurité, montée de violence… Les services d'urgences sont un lieu à part dans l'hôpital, particulièrement sensible, baromètre des évolutions sociales et de la consommation de soins. Le personnel médical et infirmier des urgences habitent cet environnement avec l'habitude légitime des lieux de travail. Pour eux, que pour le malade. Ils sont affairés, distants ou attentionnés selon l'humeur du jour ou le poids de la journée. Ils rassurent, mais leur fébrilité, leur tension, leur manque de temps,… bref, la nature même de leur exercice les rend vulnérables et souvent exposés: tels sont les risques du métier aux urgences. Les infections transmises par exposition accidentelle au sang sont liées à la prévalence de l'infection parmi les patients, à la durée du portage chronique et à la fréquence de transmission liée à la charge infectieuse par ml de sang. Des études européennes et américaines ont montré que le risque de séroconversion est dix fois plus élevé avec le virus de l'hépatite C et cent fois plus avec celui de l'hépatite B par rapport au virus du SIDA. Non seulement ces virus peuvent entraîner une contamination professionnelle, mais aussi transmettre dans certains cas au patient lorsque le soignant accidenté est porteur chronique. Malheureusement, nous ne disposons pas d'études marocaines. Selon des travaux occidentaux, il semble que le personnel des urgences est plus exposé à la contamination par le virus du SIDA, avec une fréquence cent fois supérieure à celle du personnel des services d'hospitalisation. Les facteurs de risque de transmission du SIDA par le malade sont la profondeur de la blessure du soignant, une aiguille creuse visiblement souillée de sang, un malade au stade terminal du SIDA et un geste en intraveineux ou en intra-artériel direct. Une ou deux épaisseurs de gant réduit le volume de sang injecté d'environ 70 % pour une aiguille de suture et de 30 à 50% pour une aiguille creuse de prélèvement sanguin. L'exposition à la salive, aux larmes, aux crachats ne constitue pas un risque pour les soignants, sauf si ces liquides biologiques contiennent du sang de façon visible. Actuellement, il est recommandé en cas d'accident, si le patient source est infecté par le virus du SIDA ou fortement suspect de l'être, une biothérapie dans les 4 premières heures de l'administration, pouvant être poursuivie pendant 4 semaines. Pour ce qui est de l'hépatite B, la vaccination du personnel de santé a considérablement diminué sa fréquence. La prévalence de l'hépatite C chez les professionnels de santé est estimée entre 2,6 et 5,3% alors qu'elle est estimée entre 0,28 et 1,4% dans la population générale. La stratégie de prévention de l'hépatite repose sur les précautions «universelles» et les précautions «standard» bien codifiées ainsi que le matériel sécurisé. Le respect de ces procédures permet théoriquement de réduire d'environ 30% les accidents d'exposition au sang. Pourtant, il est relevé en pratique quotidienne, une absence totale de congruence à ces règles de sécurité chez les praticiens aux urgences. Des mesures immédiates doivent être prises en cas d'exposition ; nettoyage de la plaie avec de l'eau et du savon, puis réaliser l'antisepsie avec un dérivé chloré (Dakan, eau de javel ou à défaut à l'alcool 70% ou à la polyvidone (betadine) iodée en solution dermique, en assurant un temps de contact d'au moins 15 minutes. Le médecin de travail devrait se charger du suivi de la personne exposée. Il est légitime de s'interroger sur la réelle prise de conscience du personnel des urgences du risque de contamination par les malades. La méconnaissance par ce personnel des précautions à prendre, doit encourager les formations pour l'organisation du travail pour les actes à risque. Certaines recommandations sont à appliquer pour l'ensemble des patients que nous prenons en charge : Les instruments tranchants sont à manipuler avec grande précaution. Le matériel de ponction, les instruments tranchants doivent être jetés dans des containers rigides et fermés. Les aiguilles ne doivent pas être recapuchonnées, pliées ou cassées ni désolidarisés de seringues. La manipulation des liquides biologiques (sang, urines, abcès, écoulement par les drains,…) doit être effectuée avec des gants. Le port de lunettes est nécessaire si des projections sont possibles (intubation, lavage gastrique, débranchement des drainages, aspirations trachéales). La décontamination immédiate des instruments utilisés et des surfaces souillées par du sang ou un autre liquide biologique avec un désinfectant efficace. Le transport de tous les prélèvements de sang ou de liquides biologiques dans des sacs en plastiques jetables et/ou récipients, lavables et désinfectables, ou à usage unique, hermétiquement clos ; les bons d'examens seront séparés des prélèvements. La diffusion de ces mesures de prévention doit être effective auprès de tous les professionnels concernés. Par ailleurs, la reconnaissance des gestes à risque par les professionnels des urgences et la mise à disposition des matériels de sécurité nécessaires font partie intégrante de toute démarche visant à diminuer le risque de contamination. Notons enfin, que la probabilité qu'un soignant soit victime de ce type d'accident varie en fonction de plusieurs facteurs : L'ancienneté dans la profession : plus le soignant a de l'expérience, moins le risque est élevé. L'ambiance de travail : plus les conditions de travail sont difficiles (bruit, stress…), plus le risque est important. L'organisation de l'espace de travail (exemple : agencement des chariots à pansement). La violence est devenue un élément quasi-quotidien de l'existence du personnel des urgences, presque banalisée. Le personnel des urgences a en apparence un rôle très technique, il est néanmoins nécessaire qu'il possède également de solides compétences en psychologie. Il doit ainsi pouvoir assurer la gestion des soins de patients fragilisés mentalement par les événements motivant leur arrivée à l'hôpital. Tout en maîtrisant l'aspect somatique et l'organisation du service, il doit parvenir à prendre en charge la dimension psychique du malade, de même que la gestion de son angoisse. Vie, mort, souffrance, l'incompréhension de situations difficiles et répétitives, la pression inhérente à l'activité aux urgences et le stress quotidien font du soignant une victime possible d'une usure psychologique, d'un risque de contamination et d'épuisement personnel. Celui-ci peut, à plus au moins long terme, l'entraîner à adopter les comportements suivants : froideur, attente d'un seuil de saturation émotionnelle, diminution de l'écoute (rejoignant l'idée d'un refus d'agir ou de répondre à une demande anodine), énervement (possible témoignage d'une rigidité du personnel, plan pour résister aux changements), lassitude et insatisfaction (qui peuvent être représentatives de la diminution de l'accomplissement personnelle).
• Par Pr. Houcine Louardi Chef du Service d'Accueil des Urgences CHU Ibn Rochd- Casablanca e-mail : [email protected]