Procédant en apparence d'un souci d'explication des événements de Casablanca, les propos de Mohamed El Fizazi ressemblent fortement dans le fond à un message lancé aux ouailles de la Salfia Jihadia pour frapper d'autres objectifs. L'interview de Mohamed El Fizazi parue dans les colonnes de notre confrère Acharq Al Awssat du mardi 27 mai mérite d'être attentivement lue et décryptée. L'homme, considéré par les autorités marocaines comme un des leaders de la Salfia Jihadia au Maroc, n'adoucit pas son ton ni son propos. Bien au contraire. D'abord, il ne condamne pas de manière claire et ferme les attentats-suicide de Casablanca qui l'ont juste “étonné“ car “notre pays n'est pas habitué à ce genre d'actions qui ne rentrent pas dans notre culture“. Aucune compassion exprimée envers les familles des victimes des attaques terroristes. Ensuite, l'intéressé, se lançant dans une “explication“ de ce qui est arrivé, égrène en fait la liste des cibles qu'il aurait fallu ou qu'il faut désormais attaquer. Jugez-en : “ (…) Selon toute logique, si les acteurs ( kamikazes) sont passés à l'acte pour s'en prendre aux Marocains comme cela a été expliqué par certains, ils auraient fait exploser les marchés ou les gratte-ciel ou tout autre lieu de grand rassemblement comme les complexes sportifs. Mais ceci n'est pas arrivé. Ce qui prouve que les gens n'étaient pas la cible. Si l'objectif était de porter atteinte au processus démocratique, c'est le Parlement ou toute autre institution symbolisant la démocratie qui aurait été visée. Ceci n'est pas arrivé non plus. Si le Maroc était visé (par ces attentats), on aurait fait exploser l'aéroport ou le port. Si ce sont les libertés qui étaient la cible, (les kamikazes) auraient entrepris de mettre entre parenthèse les sources de ces libertés en faisant exploser la deuxième chaîne, vu qu'elle représente le porte-voix du libertinage et de la prétendue modernité ou les imprimeries de Al Ittihad Chtiraki et Al Ahadth Al Maghribia…“ Emballés dans un style indirect, les propos de M. El Fizazi, procédant en apparence d'un désir de compréhension et d'un souci d'explication des événements de Casablanca, ressemblent fortement dans le fond à un appel lancé aux ouailles de la Salfia Jihadia pour frapper les objectifs qu'il a pris soigneusement le temps d'étaler par la technique subtile de l'antiphrase. Qui cherchait-il à tromper ? Ce sont à ses yeux les cibles qui méritaient ou qui méritent d'être prises à partie. Cette figure de rhétorique, procédé habituel chez les mouvements frappés d'interdiction, leur permet d'envoyer des messages à leurs troupes pour leur montrer ce qu'elles doivent faire. Tout à sa stratégie de dissimulation ou de provocation, Mohamed El Fizazi continue sur sa lancée : “ Il faut dire au peuple que ceux-là (les kamikazes), indépendamment du fait qu'ils soient de l'intérieur ou de l'extérieur, s'en prennent à l'Occident dans le cadre de la guerre ouverte entre les groupes de combattants à l'étranger et l'Amérique et ses alliés.“ À la remarque du journaliste selon laquelle la majorité des victimes des actes terroristes de Casablanca sont des Marocains, l'interviewé rétorque : “ oui. Les victimes étaient pour la plupart marocaines. Mais elles étaient combien ? Trente, quarante ? Les victimes auraient pu être des centaines s'ils avaient fait exploser un des marchés bondés de Casablanca“. M. El Fizazi regrette-t-il que les terroristes aient choisi des endroits moins fréquentés ? Aurait-il aimé que les pertes humaines soient plus importantes ? Plus loin, il indique que le Maroc “ne mérite pas ces attaques“ tout en s'affirmant comme “un des opposants les plus virulents au gouvernement marocain“ et en niant catégoriquement l'existence de la Salfia Jihadia au Maroc en tant que courant ou association avec un émir à sa tête. Il aurait fallu que M. El Fizazi pousse l'absurde plus loin en décrétant que les attentats du 16 ami n'étaient qu'une vue de l'esprit. Mohamed El Fizazi dit qu'il est inconcevable qu'il fasse partie de l'association Attakfir Wal Hijra parce qu'il est un fonctionnaire de l'enseignement et un imam officiant dans une mosquée…Pour un homme qui fait visiblement donner des grilles de lecture du terrorisme , cet argument est évidemment court. L'un n'empêche pas obligatoirement l'autre. En fait, Mohamed El Fizazi est considéré comme le patron d'un courant du nom de “Daâwa Ila Allah“ . L'un de ses fervents admirateurs n'est autre que le jeune Abdelwahab Rafiki de Fès, alias Abou Hafs, aujourd'hui en prison. Malgré la différence des sigles des groupuscules de la Salafia Jihadia, ces pôles de l'extrémisme ne sont indépendants des uns et des autres que dans la mesure où ils n'ont pas un chef unique. Par contre, ils se réclament à quelque différence près du même référent, et de la même idéologie pour atteindre les mêmes objectifs : semer la chienlit dans la société par le recours à la violence.