Pour Mohsin Sefrioui, directeur général de la société africaine de financement et de réalisation Industrielle des papiers et cartons (Safripac), le libre-échange remet en question la compétitivité de tous les secteurs industriels marocains. Entretien. ALM : Quelle évaluation faites-vous de votre secteur d'activité? Mohsin Sefrioui : Le secteur papetier a un fort potentiel au Maroc; en effet la consommation du papier ne dépasse pas les 11 kg par personne, comparée à l'Espagne par exemple ou la consommation est de 150 kg par personne, il est même possible de promouvoir des exportations. Néanmoins, l'industrie papetière souffre de nombreuses entraves : coût élevé des facteurs, notamment celui de l'énergie , faible appui du gouvernement pour soutenir et encourager les projets . Ainsi , malgré le dynamisme affiché des professionnels,l'activité papetière connaît des flux en dents de scie, et son évolution se trouve précaire et arbitraire à cause de plusieurs aléas comme l'importation en sous facturation, l'importation des lots qui ne répondent à aucune norme, et les pratiques du dumping. Vous voyez, notre secteur est lourdement pénalisé. Les différents accords de libre-échange signés par le Maroc ont un impact certain sur des pans entiers de l'économie. Qu'en est-il pour votre secteur ? L'horizon du libre-échange remet en question la compétitivité de tous les secteurs industriels marocains, notamment celui du papier. Les accords de libre-échange se traduisent par une ouverture des barrières douanières, ce qui se répercute directement sur le marché. Signalons que certains de ces accords prévoient un démantèlement progressif en l'occurrence, celui de l'UE, d'autres, par contre, impliquent un démantèlement immédiat comme celui conclu avec les pays arabes. Confrontés ainsi à ces nouveaux enjeux, beaucoup d'industriels papetiers ont commencé leur mise à niveau notamment par la mise en place de plans d'investissements à moyen terme, permettant de s'adapter aux exigences de la mondialisation ; or ils se trouvent souvent acculées à subir différentes formes de concurrence déloyale , sachant que le tissu industriel marocain souffre encore de plusieurs obstacles structurels, dont le coût de facteurs est défavorable. Le KWH au Maroc est plus chère de 25% à celui de la Turquie, 3 fois supérieur au tunisien , 5 fois à l'américain, presque 7 fois à l'égyptien et 8 fois au chinois. Autre aspect, la main-d'œuvre est plus chère. Elle est de plus de 45% par rapport à la Turque, 48% à la tunisienne, 63% à la roumaine, 250% à l'égyptienne et jusqu'à 4 fois la chinoise . S' y ajoute, le coût de crédit extrêmement élevé : 40% plus élevé qu' en Tunisie , et deux fois et demi à celui en vigueur en Europe. Enfin, le système fiscal est lourd et inadapté. L'accord de libre-échange avec les pays arabes, celui d'Agadir, a plus particulièrement chamboulé le calendrier de mise à niveau. Quelle lecture faites-vous de cet accord ? Absolument, l'accord de libre-échange avec les pays arabes a chamboulé complètement le calendrier de mise à niveau; en fait, en plus du démantèlement immédiat des droits de douane, ces pays ont souvent recours à des pratiques frauduleuses, entre autres , des certificats d'origine apposés sur du papier en provenance des pays de l'Asie et exporté au Maroc à des prix sacrifiés, portant un préjudice certain au papier produit au Maroc, surtout en l'absence de normes de qualité claires et rigoureuses.