Driss El Kendouci, directeur général de SIPAT, estime que seules des stratégies de niche vers des produits à fort coût de transport sont capables de sauver le secteur du papier tissue au Maroc. Une analyse à méditer. ALM : Comment se porte le secteur du papier tissue au Maroc? Driss El Kendouci : Le constat que l'on peut faire pour le secteur du papier tissue au Maroc est que ce marché reste à l'état embryonnaire, étant donné que la consommation par tête d'habitant qui ne dépasse pas les 300 grs / hab alors qu'elle est cinq fois plus importante en Tunisie et cinquante fois plus chez nos voisins européens où elle avoisine les 15 kilos/hab. Pour ce qui est des capacités de production et de transformation installées au Maroc, les différents acteurs sont généralement dans des situations de surcapacité, ce qui entraîne une utilisation très faible (inférieure à 50%). Cette situation est aggravée aujourd'hui par la recrudescence des importations massives que connaît ce secteur, et notamment en provenance des pays arabes. Les différents accords de libre-échange signés par le Maroc ont un impact certain sur des pans entiers de l'économie. Qu'en est-il pour votre secteur ? En ce qui concerne l'accord de libre-échange avec l'Europe, les différents acteurs économiques sont conscients de l'impact de la concurrence européenne sur notre marché local. En effet, les entreprises européennes font figure de géants par rapport à nos entreprises nationales, de plus, elles bénéficient d'un coût de l'énergie très inférieur à celui pratiqué au Maroc. Pour ces raisons, seules des stratégies de niche vers des produits à fort coût de transport sont capables de sauver ce secteur au Maroc. L'accord d'Agadir a plus particulièrement chamboulé le calendrier de mise à niveau. Quelle lecture faites-vous de cet accord? En effet, la principale préoccupation des différents acteurs de ce secteur vient non pas de l'Europe, mais de la concurrence nouvelle qu'a engendrée l'accord de libre-échange avec les pays arabes. La rapidité avec laquelle est intervenu cet accord a effectivement chamboulé le calendrier de mise à niveau du secteur. Ce qu'il faut savoir c'est que les produits finis en provenance de ces pays sont en exonération totale de droits de douane, alors que les matières premières qui entrent dans la fabrication du papier tissue comme la pâte fibre courte sont soumises à des droits de douane de 32,5% et 50%, ce qui est aberrant en matière de démantèlement douanier. La conséquence de cette faille du système douanier est que l'on voit doubler chaque année les volumes importés en provenance des pays arabes (les chiffres sont disponibles sur le site Internet de la Douane marocaine) au détriment des producteurs et transformateurs marocains dont la pérennité est menacée aujourd'hui. L'analyse de l'environnement concurrentiel dans lequel évoluent les opérateurs du papier et carton a permis de déceler les " créneaux d'activité " sur lesquels le Maroc est le plus susceptible de développer des avantages comparatifs. Comment pouvez-vous résumer cette donne ? L'activité de production de papier carton est fortement énergétivore, et surtout pour le papier Tissue (l'énergie représente environ 24% du prix de revient pour le Tissue), il me semble difficile d'être performant avec les niveaux de prix actuels de l'électricité et du Fuel. Effectivement, il existe des créneaux d'activité susceptibles de mieux résister que d'autres, mais pour cela, il faudra améliorer certains paramètres comme le coût de l'énergie (3 fois moins chère en Egypte), le ramassage des vieux papiers, et l'instauration d'un système de normes pour garantir la qualité des produits importés au Maroc.