Nous reproduisons ci-après un article du quotidien espagnol «La Razon», publié dans son édition du jeudi 22 mai 2003. L'article est signé par le journaliste, Enrique Montanchez, spécialiste des affaires militaires connu pour ses contacts privilégiés au ministère espagnol de la Défense au le Centre National d'Intelligence (CNI). Le Centre National d'Intelligence (CNI) considère l'hypothèse selon laquelle les attentats-suicide de Casablanca n'ont pas aucune relation avec la guerre de l'Irak et que leur objectif final serait de déstabiliser la monarchie alaouite pour empêcher le Maroc de prendre le contrôle du Sahara. Des intégristes algériens "télé dirigés" par des éléments incontrôlés de l'appareil militaire d'Alger se sont infiltrés dans les rangs des terroristes marocains et ont instigué les attentats qui ont fait 41 morts, et ont choisi la "Casa España" parce que l'Espagne était la puissance coloniale au Sahara. Le massacre a coïncidé avec la discussion du plan Baker à l'ONU. Les analystes des services secrets espagnols, dirigés par le diplomate Jorge Dezcallar, tentent de rassembler les pièces du puzzle pour donner un sens aux cinq attentats-suicide qui ont eu lieu vendredi dernier à Casablanca. Des sources proches au CNI estiment que c'est trop simple que d'attribuer, à Al Qaïda, le plus grand massacre terroriste dont a été victime le Maroc, et, selon le la forme d'action de cette organisation, qui aurait choisi parmi ses objectifs des intérêts américains pour que l'opinion publique marocaine puisse y voir une réponse à la guerre contre l'Irak. En deuxième lieu, ils mettent en relief l'énorme influence du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat d'origine algérienne sur le mouvement terroriste marocain récemment créé. Le déploiement des services d'intelligence espagnols dans le Maghreb permet de disposer d'informations de première main sur les réseaux terroristes dans la région. Actuellement, les services espagnols et marocains font des investigations sur "la piste algérienne". Ils n'excluent pas que les salafistes qui ont recruté et formé les terroristes suicidaires marocains, aient été "télé dirigés" par des éléments incontrôlés de l'appareil militaire algérien. L'Algérie, aujourd'hui, n'est plus ce pays centralisé et hiérarchisé du temps du FLN. L'exécution avec précision des cinq attentats et le fait que les terroristes kamikazes n'étaient pas connus des vigilants services marocains, fait penser les analystes du CNI à une planification de type militaire, inconnue jusqu'à maintenant pour les services marocains. À cela, s'ajoute le fait que les attentats ont coïncidé avec la discussion du plan Baker au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. L'initiative (NDLT : plan Baker) parrainée par les Etats-Unis prévoit que le Sahara soit une autonomie sous la souveraineté du Maroc jusqu'à 2008, date d'organisation d'un référendum auquel participeront la population d'origine sahraouie et les Marocains installés dans la zone depuis 1976. Le front Polisario n'accepte pas cette formule et exige un référendum conformément au recensement que l'Espagne a réalisé avant de quitter le territoire. Un Sahara marocain priverait l'Algérie d'une ouverture sur l'Atlantique et d'une participation, dans le cas d'un Etat sahraoui indépendant, aux richesses de la plate-forme marine : le pétrole et la pêche. C'est pour cela que l'Algérie aide le Polisario, depuis 27 ans. La première conséquence des attentats de Casablanca a été le durcissement de la répression, ce qui pourrait provoquer un malaise des tranches défavorisées de la société marocaine et provoquerait l'instabilité du Maroc. Un Maroc instable favoriserait les intérêts algériens. Pour les analystes du CNI, l'argument selon lequel les terroristes auraient choisi la "Casa España"car elle était un bar où l'on servait des boissons alcoolisées et provoquait les islamistes intégristes, est non fondé. Si les attentats ont une explication dans la perspective du Sahara, le choix de cet objectif serait interprété comme une tentative de la part des terroristes de faire pression sur le gouvernement espagnol pour qu'il ne soutienne pas un Sahara marocain. • Enrique Montanchez. Madrid.