Selon les premiers éléments de l'enquête, d'autres attentats étaient en préparation dans d'autres villes du Royaume. Ce qui laisse croire que nous sommes face à un réseau terroriste organisé avec des ramifications à l'échelle nationale. L'enquête sur les attentats-suicide de Casablanca du vendredi 16 mai n'a pas encore livré tous ses secrets. Dans le cadre des investigations, les autorités viennent de diffuser les photos d'une dizaine de suspects qui font l'objet d'un avis de recherche à l'échelle nationale. L'arrestation de ces éléments est de nature à faire avancer le travail des enquêteurs et de boucler une enquête complexe de par la gravité des événements de Casablanca. Le Maroc victime du terrorisme aveugle, qui aurait pu le croire? Se croyant jusqu'ici à l'abri de ce genre de barbarie, considérant le Maroc comme un havre de paix et de quiétude, les Marocains furent extrêment choqués par la violence qui s'est abattue sur Casablanca, faisant 43 morts et une centaine de blessés. La population marocaine en général et les habitants de Casablanca, en particulier, ne sont pas près d'oublier ce qui s'est passé. Ils garderont longtemps en mémoire les images d'horreur occasionnées par les attentats-suicide quasi simultanés qui ont frappé le cœur de la ville. Vers 22 heures 30 de ce vendredi noir, cinq groupes de kamikazes ont répandu la mort et la désolation dans cinq endroits différents : l'hôtel Farah (ex-safir), la Casa de Espana, un restaurant à côté du consulat belge, le club de l'Alliance israélite et un cimetière juif. Les dégâts humains étaient énormes à la Casa de Espana. Ici, un commando de trois kamikazes, après avoir égorgé le gardien posté devant la porte d'entrée, se sont introduits dans les lieux. Devant une centaine de clients qui étaient attablés pour dîner, un des terroristes a actionné la détonation à distance de sa charge explosive et celles de ses deux comparses. Les kamikazes ont péri dans l'attentat en même temps que de nombreuses personnes. Un spectacle d'extrême désolation s'est offert aux regards. Alertés par la puissance des explosions, les riverains, qui ont cru au début à des détonations provoquées par des bonbonnes de gaz, seront choqués par la vision macabre de corps déchiquetés, de membres dispersés et de morceaux humains ensanglantés. Du sang partout, du sang sur fond de cris d'orfraie et d'appels au secours des rescapés. L'ambiance était dominée par la confusion née de la panique et de la peur. Les Marocains n'ont jamais vécu ça dans leur vie. Les kamikazes de l'hôtel Farah ont été empêchés héroïquement par un agent de sécurité et un bagagiste de l'établissement à s'engouffrer à l'intérieur. Ces deux hommes ont sacrifié leur vie pour que vivent les autres, les clients de l'établissement. Ce duo héroïque a péri donc dans l'attentat car les terroristes sont arrivés à actionner leurs bombes devant l'entrée de l'hôtel. Si ceux-ci s'étaient glissés dans le hall, les dégâts humains et matériels auraient été certainement considérables. L'hôtel Safir s'en tire avec l'effondrement du faux plafond de l'entrée et l'endommagement des voitures stationnées devant l'établissement. Diffusés à la télévision, les récits des témoins oculaires disaient l'horreur et l'incompréhension. Le Maroc entier est sous le choc. Le ministre de l'Intérieur, Mustapha Sahel, fera, plus tard dans la soirée de ce vendredi, une déclaration télévisée où il a pointé du doigt le “terrorisme international“ faisant allusion à l'organisation Al Qaïda dont le nom était sur toutes les lèvres. Le lendemain des attentats, M. Sahel a expliqué qu'"on peut remarquer la concomitance et la similitude du mode opératoire" entre les attentats de Riyad et ceux de Casablanca. Âgés entre 18 et 24 ans, issus pour la plupart du quartier périphérique de Sidi Moumen, les kamikazes, qui avaient subi des entraînements à l'explosif dans la périphérie de Casablanca, faisaient partie de la mouvance clandestine de la Salfia Jihadia apparue au début des années 90 et qui a essaimé dans nombre de villes du Royaume. Le groupuscule de Casablanca se dénomme “Assirat Al Moustakim“ (le Droit Chemin) qui compte des adeptes se recrutant parmi la masse des jeunes exclus. Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a confirmé cela, dimanche 18 mai, lors d'une déclaration à la télévision. Le ministre a ajouté que certains kamikazes sont “revenus récemment d'un État étranger” faisant allusion aux Émirats arabes unis. Par ailleurs, deux autres kamikazes auraient séjourné en Espagne. Ces deux aspects de l'enquête déboucheraient-ils sur une piste étrangère? Pour le moment, aucune preuve n'est venue appuyer cette thèse. En attendant, les enquêteurs continuent à procéder à des interpellations des suspects dans les milieux de cette nébuleuse qu'ils soumettent à des interrogatoires serrés. Selon les premiers éléments de l'enquête, d'autres attentats-suicide étaient en préparation dans d'autres villes du pays. Les perquisitions battent leur plein. La police de Casablanca a confisqué à Sidi Moumen des substances chimiques et des explosifs. Les services de sécurité ont également saisi, dans la matinée du jeudi 22 mai, une grande quantité d'explosifs dans la région d'Asilah (nord du Maroc) dans le domicile d'un suspect. Tout porte à croire que nous sommes en face d'un réseau terroriste organisé avec des ramifications à l'échelle nationale.