Chute libre des IDE, précarité des réserves de change, choix de l'euro au détriment du dollar… Passée l'euphorie de l'obtention d'un taux bas, l'heure a sonné pour explorer les dessous de la première partie (une autre suivra) de la sortie du Trésor sur le marché international. Certes, les responsables insistent sur la confiance des investisseurs étrangers en se basant sur le taux d'intérêt obtenu lors de la dernière sortie, mais il y a d'autres considérations ayant conduit le pays à prendre cette décision. L'année en cours semble être l'une des plus… moyennes sur le plan de la captation des investissements étrangers. Les derniers chiffres disponibles de l'Office des changes sont édifiants. Le Maroc attire clairement moins d'Investissements directs étrangers (IDE) par rapport à l'exercice 2018. Dans le détail, les flux d'IDE à fin octobre ne sont que de 15,4 milliards DH. C'est donc moitié moins que l'année précédente avec une baisse estimée à 50,9%, soit 15,9 milliards DH. Pourquoi une telle performance? Tout simplement parce que les IDE ont baissé de pas moins 36,1%, soit -15 milliards DH. Le pays s'acheminait à boucler l'exercice 2019 avec un flux dans la zone rouge pour les investissements étrangers. Les responsables n'y vont alors pas par quatre chemins. La sortie du Trésor sur le marché international doit notamment éviter au pays «un flux négatif des financements extérieurs». Mais il y a une autre raison qui concerne cette fois-ci les réserves de change. Il est vrai que les avoirs extérieurs s'améliorent mais la situation demeure pour le moins précaire. Il faut dire que ces réserves ne parviennent toujours pas à trouver le niveau d'avant le passage du pays au régime de change flottant il y a moins de deux années. Pour rappel, les avoirs extérieurs avaient enregistré une chute spectaculaire quelques semaines seulement avant le passage au nouveau régime. Actuellement, la situation reste très serrée. Les réserves internationales nettes se sont établies à 239,7 MMDH à fin novembre, soit à peine 4 mois et 28 jours d'importation de biens et services. Il reste donc un petit «chouia» pour retrouver les 5 mois de l'an dernier. Et encore, le pays ne doit le niveau actuel de ses réserves en devises qu'à la sortie internationale du Trésor. Reste enfin la question du choix de l'euro au détriment du dollar américain pour libeller l'emprunt international du Trésor. Pour certains observateurs, le choix était prévisible puisque la «Federal Reserve» américaine avait augmenté ses taux, situés actuellement entre 1,5 et 1,75% contrairement à la BCE (Banque centrale européenne) qui maintient ses taux directeurs à zéro au moins jusqu'à un retour durable de l'inflation dans la zone euro. La politique de la BCE explique pourquoi les responsables marocains ont obtenu un taux de 1,5%. Mais il y a un hic lié au recours au taux variable dans la dette extérieure du Maroc. Ce taux atteint aujourd'hui les 37%. Lorsqu'on sait qu'une révision de la politique monétaire de la BCE et donc une hausse des taux sont posées sur la table depuis de longs mois, il faut se préparer aux scénarios les plus extrêmes surtout avec les pressions pour passer à une phase deux du régime de change flottant qui provoquera inéluctablement une dévaluation du dirham… Détails de la sortie Le ministère de l'économie, des finances et de la réforme de l'administration avait annoncé dans un communiqué les détails sur l'emprunt international lancé par le Maroc, jeudi 21 novembre, pour un montant de 1 milliard d'euros, assorti d'une maturité de 12 ans et d'un spread de 139,7 pb, soit un taux d'intérêt de 1,5%. Pour les responsables, cette émission qui marque le retour du Maroc sur le marché financier international après une absence de 5 ans a connu un succès remarquable auprès des investisseurs internationaux. Ainsi, l'émission a bénéficié du carnet d'ordre le plus important par sa taille pour une transaction en euro du Maroc: il a dépassé 5,3 milliards d'euros au cours de la transaction avec plus de 285 investisseurs impliqués. A noter que cette émission fait suite à un roadshow qui aura duré une semaine, mené par le ministre Mohamed Benchaâboun, accompagné d'une délégation de la direction du Trésor, dans les principales places européennes. La délégation a ainsi visité Paris, Zurich, Londres, Francfort et Amsterdam/La Haye et a tenu une trentaine de réunions avec plus de soixante investisseurs dont des gestionnaires de fonds, des assureurs et des fonds de pension, précise-t-on.