Le président iranien se rend aujourd'hui au Liban pour une visite de trois jours, la première d'un dirigeant iranien depuis la Révolution islamique de 1979. Les discussions devraient se focaliser sur le soutien de Téhéran au Hezbollah. Le voyage du président iranien survient alors que les Etats-Unis font pression sur le Liban et la Syrie pour que ces deux pays fassent en sorte que le mouvement de guérilla chiite renonce, au moins temporairement, à lutter contre Israël. De l'avis des analystes, les pressions de Washington pourraient conduire Mohammad Khatami à chercher, en privé, à convaincre le Hezbollah de mettre un bémol à la lutte armée contre l'Etat hébreu et Téhéran pourrait même cesser ses livraisons d'armes aux combattants. «Il y a un aspect public à la visite, le soutien au Liban, à la Syrie et au Hezbollah, et puis un autre, privé, fait de pressions visant à calmer le jeu», estime Michel Nooufal, spécialiste des relations irano-libanaises au journal el Moustakbal. Selon lui, Téhéran subit de fortes pressions de la part de Washington qui l'accuse de faire partie d'un «axe du mal», et masse des soldats à sa frontière. Et puis, cesser d'alimenter le Hezbollah en armes «ne coûte rien, en fait», ajoute Nooufal. Grâce au soutien constant de l'Iran, le Hezbollah, petit groupe de combattants chiites libanais formé en réaction à l'invasion du Liban par Israël en 1982, s'est transformé en véritable institution dotée de sièges au Parlement et d'un réseau complet de services sociaux. Washington soupçonne le Hezbollah d'être derrière le bombardement de casernes des Marines en pleine guerre du Liban en 1983, qui avait fait 241 morts. Les Etats-Unis ont toujours qualifié le mouvement de «terroriste» et assurent qu'il mène des actions en dehors du Liban, ce que l'organisation dément. Depuis mai 2000, date à laquelle l'armée israélienne a quitté le Sud Liban après 22 ans d'occupation, la raison d'être du mouvement se résume à une lutte pour le contrôle d'une zone frontalière controversée, les fermes de Chebaa, où elle affronte régulièrement l'armée israélienne. «Je suis sûr que les Iraniens ont décidé qu'ils allaient continuer à soutenir le Hezbollah, non plus militairement, mais financièrement, par d'autres moyens», estime un analyste iranien, Alireza Nourizadeh. D'après lui, Khatami jouera de ses rapports privilégiés avec le dirigeant du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah, pour convaincre ce dernier de suspendre la lutte armée, ce qui permettrait aux réformistes iraniens, dont Khatami est le chef de file, de se rapprocher de Washington. Cela dit, Khatami n'a sans doute pas le pouvoir de dicter sa conduite au Hezbollah. «Je pense que c'est l'un des objectifs de la visite de Khatami au Liban : parler au Hezbollah, le convaincre. Il ne s'agit plus d'une organisation fantoche, même si l'Iran reste son principal soutien», pense Nourizadeh. Selon lui, Khatami, soucieux de lancer des réformes en Iran, pourrait tirer avantage de ses efforts visant à calmer le jeu du Hezbollah : «Je suis certain que les Américains considèrent ce voyage avec un mélange d'enthousiasme et d'inquiétude. Ils connaissent l'ordre du jour et apprécieraient que Khatami parvienne à convaincre les dirigeants du Hezbollah de déposer les armes pour l'instant». • Par Joseph Logan (Reuters)