Les ouléma du Royaume viennent de donner une énième illustration de ce qu'est l'Islam marocain : modéré, réceptif, ancré dans la société et évolutif avec les mutations qu'elle connaît à travers le temps. Il y a quelques années, en 2004, la condition de la femme avait constitué un test tout aussi délicat mais que les ouléma ont su et pu accompagner. Aujourd'hui, avec cet autre débat sociétal qui monte au sujet de l'avortement, ces dépositaires du dogme et de la doctrine en matière de religion ont su positionner cette dernière non pas comme une entité antinomique de la société mais comme faisant partie intégrante d'elle. En atteste le communiqué rendu public lundi dans la soirée. En affirmant explicitement et sans ambages que l'Ijtihad et/ou l'intérêt sont les seuls motifs qui permettent de modifier les dispositions du Code pénal relatives à l'avortement, les ouléma laissent la porte largement entrouverte à un éventuel changement de position de leur part. C'est là une lecture au deuxième degré de leur communiqué qui peut sembler, de prime abord, tranchant et intransigeant. Ce qui, en réalité, n'est que façade que le Conseil des ouléma a présentée pour rester dans son rôle de gardien du temple. Les esprits les plus ouverts et les plus adeptes de l'évolution auraient eu du mal à admettre que ledit Conseil sorte aujourd'hui avec une position où il s'alignerait sans conditions sur la modification des textes. Ils auraient jugé cela contre-nature. Et c'est ce juste et subtil équilibre entre la nécessité de faire évoluer les pratiques et l'impératif de préserver la solidité de tous les fondements de la société, quelle qu'en soit la nature, qui rend la donne sociétale marocaine des plus complexes…