Si lundi faisait figure «d'ultime» journée diplomatique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, la guerre se préparait déjà dans la région du Golfe que les ressortissants occidentaux ont évacué, laissant l'Irak seul face aux troupes américano-britanniques Qualifiés de «moment de vérité», les derniers débats qui devaient se dérouler lundi après-midi au siège des Nations unies cachaient mal l'intensification des préparatifs de guerre en cours dans toute la région du Golfe. «Lundi est le jour où l'on saura si une solution diplomatique est encore possible pour l'Irak» avait déclaré dimanche le président américain à l'issue du mini-sommet qu'il avait organisé aux Açores, avec ses deux alliés, les chefs des gouvernements espagnol et britannique. Malmené dans son pays, Tony Blair avait lui aussi plaidé pour «un ultimatum clair menaçant de l'usage de la force» pour contraindre l'Irak à désarmer. Il avait enfin lancé un «ultime appel» au camp de la paix pour parvenir à un accord sur le projet de résolution qu'il a cosigné avec José Maria Aznar et George W. Bush. Directement visée par ce message, la France a répondu lundi qu'elle «ne pouvait accepter la résolution qui est sur la table et qui pose un ultimatum». «Je voudrais dire à nos amis américains, britanniques et espagnols que la crise irakienne n'est pas un problème entre les Etats-Unis et la France mais entre ceux qui veulent avancer dans une logique de guerre et la communauté internationale» qui souhaite la poursuite des inspections, a indiqué le ministre français des Affaires étrangères. De l'avis de Dominique de Villepin, «il n'y a pas de majorité pour voter la guerre au Conseil de sécurité» et c'est donc «la guerre dans tous les cas de figures, soit avec la caution des Nations unies soit de façon unilatérale». Du déclenchement imminent du conflit, le président russe était lui aussi convaincu lundi. Il a même prévenu que cette guerre était «une erreur», susceptible de «déstabiliser la situation internationale dans son ensemble». Vladimir Poutine a également souligné que cette erreur serait «lourde des conséquences les plus graves». Voués à l'échec avant même de commencer, les débats qui devaient se dérouler ce lundi à huis clos n'ont d'ailleurs pas empêché les Américains de se concentrer sur leurs préparatifs de guerre. Laquelle «pourrait durer quelques semaines», a précisé dimanche le vice-président Dick Cheney. Le général Tommy Franks, censé diriger l'offensive militaire, étudiait, quant à lui, les plans de bataille au Koweït avec plusieurs officiers américains et les autorités de l'émirat. Il est le chef du Commandement central américain, dont le quartier général est actuellement basé au Qatar, et où les troupes continuent d'affluer. Plus de 130 bateaux de guerre, dont trois porte-avions américains et leurs escortes, ainsi que le porte-hélicoptères britannique Ark Royal, sont déjà prêts à intervenir. Deux contre-torpilleurs, un croiseur et trois sous-marins d'attaque sont aussi en Mer rouge depuis samedi. Les 300.000 soldats américains et britanniques déployés ont enfin reçu des véhicules d'assaut amphibies, blindés, notamment pour se déplacer dans les régions désertiques du Koweït. Seule question en suspens : l'ouverture d'un second front, au nord, Ankara n'ayant toujours pas donné son aval officiel. Cette vive montée de tensions a en tout cas entraîné l'évacuation des Occidentaux de tout le Moyen-Orient. Les observateurs de l'ONU déployés sur la frontière Irak-Koweït ont eux-mêmes annoncé leur retrait de la zone démilitarisée lundi. La MONUIK avait déjà cessé ses opérations après avoir évacué une partie de son personnel civil, environ 250 personnes, la semaine dernière. Lundi, le directeur de l'AIEA Mohamed Elbaradei a également indiqué que Washington avait recommandé la veille aux quelque 150 inspecteurs en désarmement de quitter l'Irak. Leur chef Hans Blix a toutefois indiqué que le travail se poursuivrait lundi mais que les inspecteurs pouvaient être évacués dans un très bref délai. Les ambassades américaines et britanniques du Koweït ont pour leur part demandé à leurs ressortissants présents dans l'émirat de le quitter «immédiatement». De 8 à 9.000 civils américains et quelque 8.000 Britanniques sont concernés. L'administration Bush devait demander à ses diplomates de quitter le Proche-Orient et le Golfe d'ici mardi. L'ambassade de France en Jordanie a elle aussi incité dimanche ses ressortissants à quitter le Royaume. Berlin a demandé aux Allemands de quitter l'Irak «immédiatement» avant de fermer son ambassade à Bagdad. Dernier signe d'un conflit imminent : Saddam Hussein a décidé de diviser le pays en quatre zones militaires dirigées par des commandants, dont le fils cadet du président, sous ses ordres. Le décret émis samedi soir précisait que Saddam Hussein reste le seul à pouvoir ordonner l'utilisation de l'aviation et des missiles sol-sol dont dispose le pays. Le compte à rebours semble déclenché.