Ce dimanche Essaouira a donné l'exemple de ce que peut être la culture de proximité, de ce que peut réussir à faire la ré-invention d'espaces de mixité sociale. C'est à un groupe de jeunes que nous devons cette démonstration : Essaouira est une ville dont les salles de cinéma ont fermé les unes après les autres et la population –tout particulièrement la jeunesse– en souffre, bien évidemment. Les jeunes militants de l'association MogaJeunes ont eu l'idée de faire revivre une activité «ancestrale», celle de la projection de films en plein air. Ils ont donc minutieusement préparé ce qui sera un événement mensuel, qu'ils ont baptisé «Cinéma sur la Muraille». Conquise par l'idée, Narjiss Nejjar, scénariste et directrice de la Cinémathèque marocaine, a donc décidé d'accompagner le projet de bout en bout le rendant ainsi possible, aux côtés de Nour-Eddine Lakhmari, qui, lui, a accepté d'être le parrain de cet événement qui vise à offrir une projection de films mensuelle et gratuite à la population. «La culture en général et le cinéma en particulier sont de précieux vecteurs pour transmettre des messages. Donc, nos objectifs sont à la fois culturels, civiques et facilitateurs de vivre-ensemble, puisque le cinéma permet l'ouverture sur l'Autre et la connaissance d'Autrui», ont expliqué les jeunes organisateurs en préambule à la projection du film «Lahnech» choisi pour sa qualité, son côté grand public et dont le réalisateur Driss Mrini avait fait le déplacement tout spécialement pour présenter son œuvre. Et de fait, le public a été au rendez-vous, faisant de cette 1ère édition un succès prometteur pour la suite : jeunes -en masse-, parents, enfants, touristes, habitants de l'arrière pays…tous étaient venus assister à cette première, rehaussée par la présence du conseiller de SM le Roi M. André Azoulay et la présence d'invités de renom. Durant toute la semaine précédente – sur les réseaux sociaux mais aussi dans les rues de la ville – nombreux étaient les jeunes qui demandaient avec insistance si cette activité serait bien réelle et si elle était vraiment «fabor», montrant ainsi à quel point la population – en général d'ailleurs et pas seulement à Essaouira – a besoin de retrouver la confiance, échaudée par tant et tant de promesses non tenues. C'est l'un des défis de la nouvelle génération –investie dans le mouvement associatif– de restaurer cette confiance et MogaJeunes s'y emploie avec succès, refusant toute récupération politique et toute manipulation d'argent puisque leur choix est de concocter uniquement des activités gratuites, comptant sur l'aide des bonnes volontés telles celles de la Cinémathèque marocaine et du CCM pour celle-ci, ou encore celle de l'association Essaouira Mogador, Hit Radio et la Fondation Hiba dans leur activité précédente, «Mogavoices». Preuve a ainsi été faite que non seulement la culture attirait, la culture comptait mais que renouer avec la culture de proximité était une réponse à bien des maux. Mixité sociale, mixité hommes-femmes, mixité des générations, métissage des nationalités, des origines, des religions, exercice de civisme où les jeunes étaient invités à laisser les places assises aux femmes et aux personnes âgées, messages transmis, convivialité, bon esprit tous ces ingrédients étaient réunis lors du «Cinéma sur la Muraille». D'ores et déjà Marrakech et Anfa –à Casa– veulent s'inspirer de cette expérience, et si nous tenions là une véritable piste pour remédier à une partie de nos maux : la culture de proximité c'est bien sûr le cinéma mais c'est aussi la musique, le street art, la chanson, la lecture(!!!), le théâtre, la peinture et tant d'autres domaines qu'il nous faut réinvestir pour la mettre au service de la population et lui permettre de se l'approprier…