En vertu d'une loi dite «de compétence universelle», le Premier ministre israélien sera jugé pour sa participation aux massacres de Sabra et Chatila. La plus haute instance judiciaire belge a assumé ses responsabilités en ouvrant la voie à des poursuites en Belgique pour crimes contre l'humanité contre le bourreau de Sabra et Chatila, Ariel Sharon, lorsqu'il ne sera plus protégé par l'immunité liée à sa fonction de premier ministre. Cet arrêt de la Cour Suprême belge a suscité la colère des responsables israéliens. Tel-Aviv a immédiatement rappelé son ambassadeur, Yahoudi Kenar, provoquant une crise diplomatique grave entre la Belgique et Israël. L'ambassadeur belge en Israël, Wilfred Geens, a également été reçu au ministère israélien des affaires étrangères où il a rencontré Benjamin Netanyahu. La plainte contre Ariel Sharon en Belgique avait été engagée par 23 rescapés palestiniens des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, au Liban en 1982. À l'époque des tueries, Ariel Sharon était ministre de la guerre. La plainte était recevable en vertu de la loi dite de « compétence universelle » adoptée en 1993 en Belgique pour permettre la poursuite d'auteurs de crimes contre l'humanité quelle que soit leur nationalité ou le lieu où les faits ont été commis. «Les pratiques internationales s'opposent à ce que les chefs de gouvernement puissent faire l'objet de poursuites devant un Etat étranger», a rappelé la Cour de Cassation belge, en reconnaissant à Ariel Sharon l'immunité de fonction. Mais, elle a, dans le même temps, annulé un jugement de la Cour d'Appel de Bruxelles qui avait jugé en juin 2002 que la loi de compétence universelle ne pouvait s'appliquer que si l'inculpé se trouvait en Belgique. Dans les faits, la décision de l'instance la plus élevée de la justice belge signifie que des poursuites contre le bourreau de Sabra et Chatila pourront être entamées dès la fin du mandat du premier ministre israélien. Cependant, l'arrêt rendu par la Cour de cassation belge, s'il protège momentanément Ariel Sharon, il ouvre en revanche immédiatement la voie à la relance sans délai des poursuites pénales contre le général Amos Yaron, responsable du secteur de Beyrouth en 1982 au moment des massacres, et visé à ce titre par la même plainte que le Premier ministre israélien. La Cour de cassation belge a ainsi annulé une décision de justice qui avait déclaré irrecevable en 2002 une plainte pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide contre Ariel Sharon et ses complices dans les massacres commis au Liban au moment de l'occupation de l'armée israélienne. Les avocats des rescapés de Sabra et Chatila se sont félicités de cette décision : «C'est un des arrêts des plus importants qui soit en droit international. La justice reconnaît que la loi belge sur la compétence universelle est indépendante du fait que l'accusé ne soit pas en Belgique », a commenté un avocat. Outre Ariel Sharon, une trentaine d'autres dirigeants ou anciens dirigeants étrangers font l'objet de poursuites en Belgique au nom de cette même loi dite de «compétence universelle». Les gouvernements belge et israélien ne cachent pas leur embarras. Danny Shek, directeur des affaires européennes au ministère israélien des affaires étrangères ne s'est pas gêné de déclarer, «pour nous, toute poursuite de citoyen israélien, qu'il soit premier ministre ou non, est problématique ». Comme si être juif l'autorise à être au-dessus des lois internationales.