En attendant l'adoption de la réforme de la loi sur les télécoms par le Conseil des ministres et son entrée dans le circuit législatif, retour sur les faits marquants du débat sur la réforme de cette loi sous le gouvernement Youssoufi II. La réforme de la loi 24-96 est aujourd'hui au cœur de la polémique sur la relance du processus de la libéralisation des télécommunications. Sous le gouvernement Youssoufi II, l'ex-secrétaire d'Etat à la Poste et aux Technologies de l'Information (SEPT), Naser Hajji, a bataillé pour la réforme de la loi 24-96. Son projet tel qu'il a été présenté aux professionnels a suscité beaucoup de remous, y compris chez les responsables de l'ANRT (Agence Nationale de Réglementation des télécommunications) et la Banque Mondiale. La première mouture de la réforme a chamboulé le schéma prévu initialement par la loi 24-96. En premier lieu, les actions de l'ANRT, selon les dispositions du projet, seront sous la houlette du Septi. En second lieu, l'instruction des licences se fera pour le compte de Septi. Une telle disposition limitera l'Agence à une sorte de bureau technique pour le traitement de licences puisque c'est le gouvernement qui sera maître du jeu pour le lancement et la gestion des appels d'offres. En outre, parmi les propositions contenues dans cette première version, le changement d'appellation de l'ANRT, qui deviendrait «l'Agence nationale de régulation des télécoms». L'ANRT perd ainsi son pouvoir de réglementation. Un changement qui cantonnera l'Institution à un département qui relève du Septi sans pouvoir réel. Toujours selon cette première mouture, la prérogative de sanctions doit être octroyée au Septi et non pas à l'autorité de régulation comme il a été toujours revendiqué par Mustapha Terrab, l'ex-directeur de l'Agence. Le texte introduit également les amendes à côté du retrait de la licence comme catégories de sanctions en cas d'infraction de la part des opérateurs. Quant au fonds de service universel, la modification majeure du projet se situe dans l'intégration d'Internet dans son périmètre d'intervention. En effet, le fonds du service universel, qui sera alimenté par les 4% du chiffre d'affaires des opérateurs, prévoit principalement le financement des initiatives prises par les opérateurs eux-mêmes pour étendre la couverture et offrir leurs services à des régions éloignées et à des populations défavorisées. Après plusieurs tractions et l'arbitrage du Premier ministre, une mouture consensuelle a été retenue. En effet, le projet de réforme, dont le nouveau ministre, Rachid Alami Talbi, promet d'activer son adoption en 2003, comprend plusieurs dispositions qui modifient et complètent le texte de loi 24-96. Ainsi, l'axe principal de cet arrangement est la conservation des prérogatives de l'ANRT qui restent intactes. Concrètement, cinq points ont été retenus lors du conseil de gouvernement qui s'est tenu en janvier 2002. Le projet de réforme intégrerait, en effet, le nouveau concept élargi du service universel. Ce concept comprendra dorénavant non seulement les télécoms mais aussi Internet. Le consensus a concerné également les propositions relatives aux infrastructures alternatives et la gradation des sanctions. Ainsi, en cas d'infraction, l'opérateur fautif paiera des amendes qui varient entre 3 et 5% de son chiffre d'affaires. Sur un autre point de discorde, la proposition de Septi relative à la création de deux comptes d'affectation pour le service universel et la formation et la recherche a été retenue par le gouvernement Yousseoufi. La seule modification a concerné l'ordonnateur de ces deux fonds financés respectivement par les opérateurs (4% pour le service universel et 1% pour la recherche et la formation). C'est la primature et non pas le Septi qui prendra en charge cette responsabilité. Notons que le processus de la libéralisation des télécoms au Maroc remonte au plan d'orientation 1988-1992. Ce plan a fait du secteur des télécommunications une priorité, d'où la signature entre les pouvoirs publics et l'ex-Office des postes et télécommunications (ONPT) d'un contrat de développement couvrant la période 1993-1997. L'adoption par le Parlement en 1997 de la loi 24-96 sur la libéralisation du secteur a donné un coup de pouce à la politique gouvernementale. Le bouleversement majeur dans ce processus de libéralisation du secteur des télécoms était le démantèlement de la PTT (ONPT) en trois entités différentes : la réglementation (l'ANRT), télécommunication (IAM) et la poste (Barid Al Maghrib). C'est la promulgation en août 1997 de cette loi qui a permis l'introduction de la concurrence dans tous les segments du marché des télécommunications (GSM, Vsat, GSPM) ainsi que la vente de 35% du capital de Maroc Telecom . Mais avec l'échec de l'appel d'offres en novembre 2002, ce processus de libéralisation semble entrer dans un tunnel dont l'issue n'est pas encore déterminée.