Le débat sur la pertinence et l'opportunité de la création de structures associatives réunissant les artistes plasticiens nationaux n'est certainement pas un discours inédit. Dès le début des années soixante-dix la première génération des plasticiens marocains a pris l'initiative de s'organiser en associations, notamment à Rabat et Casablanca. Le débat sur la pertinence et l'opportunité de la création de structures associatives réunissant les artistes plasticiens nationaux n'est certainement pas un discours inédit. Dès le début des années soixante-dix la première génération des plasticiens marocains a pris l'initiative de s'organiser en associations, notamment à Rabat et Casablanca. Ces structures, qui agissaient à la fois comme un lieu de débat sur la création culturelle et artistique et comme un espace d'élaboration du statut de l'artiste et de défense de ses intérêts ont toujours été caractérisées par cette double vocation. D'un côté, celle de s'inscrire dans la continuité de la création artistique en confrontant les œuvres, en produisant un discours sur cette création, en menant une réflexion sur les diverses expressions qui en constituent la trame et en favorisant la critique artistique, censée naître d'une mise en regard entre la création et son environnement intellectuel. D'un autre côté, celle d'agir comme une structure syndicale au sein de laquelle on débat d'un cahier revendicatif qui s'adresse essentiellement aux pouvoirs publics pour défendre des intérêts corporatistes et réaliser des acquis et des droits, somme toutes légitimes et respectables. Mais, là où le bât blesse c'est lorsqu'on note le caractère spécifique de l'artiste, considéré par définition dans son essence particulière et individualiste, qui n'est certainement pas compatible avec une action syndicaliste à caractère de masse et destinée à défendre les intérêts communs d'une catégorie de personnels ou des membres d'une corporation ayant les mêmes intérêts et dépendant des mêmes rouages. Parce qu'en fait l'artiste n'a de dépendance «professionnelle» que vis-à-vis de son œuvre et de ses questionnements, qui peuvent, certes, être éprouvants, exigeants ou pénibles, mais ce ne sont là, finalement, que les règles de l'art, si l'on ose dire. Fondre les spécificités, les particularismes des artistes, qui font leur richesse essentielle, dans le moule réducteur et banalisant du militant syndical lambda, c'est céder à la tentation de la facilité et chahuter, d'une certaine manière, la merveilleuse solitude de l'artiste. Ceci dit, la communauté nationale, y compris ses citoyens artistes, sont tenus, via les institutions administratives, les circuits économiques et financiers, les conseils élus et l'ensemble du mouvement associatif de faire à l'art, à l'expression artistique et aux artistes la place qui leur revient en tant que dépositaires de l'âme universelle et de l'esprit d'une mémoire culturelle. Cet intérêt collectif et indispensable suppose de garantir aux œuvres artistiques la visibilité qui convient en multipliant les espaces qui leur sont dédiés. Il suppose également de fournir aux artistes les conditions, matérielles et morales, adéquates pour qu'ils puissent améliorer leur pratique et s'épanouir. C'est aussi l'aménagement, dans les circuits de formation et d'éducation, une place spécifique à l'éducation artistique pour élargir l'aire des publics qui s'y intéressent, tant en termes de création qu'en termes de «consommation». Cette forme de reconnaissance-là est la plus précieuse des gratifications et de confort dont pourrait rêver un artiste. Un vrai.