«Il faut légaliser l'interruption de grossesse dans des cas précis». Tel est l'appel désabusé d'un médecin généraliste qui pratique avec conviction l'avortement contre vents et marées. Au Maroc, le sexe demeure l'un des grands sujets tabous ! On ne peut en parler ouvertement même quand il s'agit de couples. Comment peut-on alors débattre du sexe quand il est marqué par la clandestinité ? Ce sont ces rapports sexuels qui nous créent des enfants naturels, des enfants errants, des mères mendiantes…etc. ce sont aussi ces mêmes rapports qui peuvent mener des femmes à la mort, des bébés à la malformation ou dans le moindre des cas à la stérilité. Qu'en est-il du nombre de femmes qui recourent quotidiennement à l'acte d'avortement ? A qui recourent-elles ? Selon le médecin interrogé qui pratique l'avortement dans l'illégalité (nous l'appellerons Dr X): «Aucune étude statistique n'existe en la matière. On avance une moyenne de 1.000 gestes d'interruption par jour, relativement à l'ensemble du royaume». Pour Dr X, nous sommes encore loin du compte. Rien qu'à son niveau, ce sont quelque 50 interventions qu'il pratique par mois. Le problème qui se pose, c'est que la majorité des avortements se font par des charlatans. Dans plusieurs cas aussi, c'est la femme elle-même, sous l'emprise de la détresse, qui utilise ses propres moyens pour se faire avorter. Ce sont des coups sur le ventre, des sauts périlleux, l'introduction d'instruments non stérilisés dans l'utérus ou même l'ingurgitation de breuvages de charlatans, etc. «Certaines femmes s'inoculent du permanganate dans l'utérus pour provoquer l'arrêt de la grossesse», confie Dr Gmira Saâdia médecin pratiquant dans un milieu rural. «Ce genre de manœuvres risque de mener à la stérilité ou pire encore à la mort», continue-t-elle. En effet, si certaines femmes se retrouvent avec tout juste des infections, d'autres attrapent des fynechies (plaies mal cicatrisées au niveau de l'utérus entraînant la stérilité) ou meurent à la suite de péritonite (perforation de l'utérus ou des parois intestinales). Souvent ce sont des malformations du fœtus qui sont provoquées sans qu'il y est d'arrêts de grossesse. Les neuf mois de la gestation donne alors naissance à des enfants infirmes. Ce sont là autant de dégâts qui poussent à tirer la sonnette d'alarme. «Le droit à la vie est un droit universel. Au lieu de légaliser l'avortement il faut penser à résoudre le problème à la racine», explique Zhor El Horr, présidente du Tribunal de la famille à Derb Soltane-El fida. Selon cette connaisseuse des affaires familiales, il faut instruire les femmes et leur garantir une vie dans la dignité. Cette vision des choses est tout à fait saine et rationnelle. Toutefois, en attendant il faut trouver des solutions. Avant que la démarche préconisée par la présidente ne commence à donner ses résultats, il se passera beaucoup d'années. «Il ne faut pas croire que les femmes qui se présentent chez moi pour se faire avorter sont toutes des professionnelles du trottoir !», explique Dr X. Et de continuer : «Ce sont des femmes dont l'âge est entre 14 à 45 ans. Ce sont des mères de famille qui ont beaucoup d'enfants et qui ont peur de se faire répudier par leur mari. Ce sont aussi des femmes violées comme il y a aussi des femmes qui se prostituent». Les cas sont différents et ne se ressemblent pas. Rappelons que Dr X travaille dans un quartier populaire de Casablanca où la misère, l'analphabétisme et le chômage font des ravages parmi la population. Le débat est lancé. Il faut juste l'approfondir.