Botola : Lancement officiel de « la carte des stades » pour la couverture des matchs    Une délégation de chefs d'entreprises français visite des projets structurants dans la région Dakhla-Oued Eddahab    Casablanca-Settat : Le budget 2025 estimé à plus de 1,4 milliard de dirhams    LCI Career Expo. De l'employabilité à l'emploi    Le Conseil de gouvernement approuve des propositions de nomination à des fonctions supérieures    Bank Of Africa. Levée de 300 millions USD pour l'AFC    Etats-Unis : l'inflation rebondit en octobre    Qualifs CAN 25 : Le Gabon se qualifie avant d'affronter le Maroc ce soir    Une date phare dans l'Histoire du Maroc indépendant    Conseil de gouvernement : adoption d'un projet de décret sur les activités exercées par les sociétés industrielles bénéficiant de l'exonération temporaire de l'IS    Budget réduit de l'INPPLC : Baitas bricole une explication pour les simples d'esprit    La pomme marocaine    Les activités exercées par l'industrie de la défense nationale bénéficie de l'exonération temporaire de l'IS    Maroc-Lesotho : La billetterie est ouverte    Rugby à XV : Casablanca accueillera du 18 au 24 novembre les éliminatoires de la Coupe d'Afrique (Groupe B)    Bayern Leverkusen : Amine Adli a débuté sa rééducation    Elim CAN 2025 : Hakimi et Diaz parmi les joueurs les plus chers de la trêve internationale    La FIFA dévoile le trophée de la Coupe du monde des clubs 2025    Addis-Abeba: CDC-Afrique recommande le premier test PCR en temps réel pour la Mpox fabriqué localement au Maroc    Les syndicats dénoncent la gestion défaillante du secteur de la santé    Azilal : Un mort et deux blessés graves dans un accident    Des prestations variées et attractives    La 1ère Invocation de la 36e Biennale de São Paulo débarque à Marrakech    Inondations en Espagne : 7 morts parmi les MRE dans la région de Valence    France-Maroc : Un ambassadeur en daraâ pour écrire le nouveau livre [Edito]    Maroc : Fortes rafales de vent et tempêtes de poussières    Entreprises publiques : ça va tanguer dans les Conseils !    Etats-Unis : Marco Rubio, un proche du Maroc, prendra les commandes de la diplomatie    Oscars : «Everybody loves Touda» qualifié dans toutes les catégories, une première pour le Maroc    «Poésie et peinture», l'exposition de Loubaba Laalej à la Fondation Hassan II pour les MRE    Hakim Ziyech adresse un message vibrant au peuple marocain    Regragui : « Nous allons au Gabon pour gagner »    L'Argentine se retire de la COP29    Les taxes du président US pourraient coûter 1% du PIB à l'Allemagne    Affaire El Mahdaoui : Le parquet rappelle la présomption d'innocence du journaliste    Rétropédalage d'Alger sur les sanctions contre les entreprises françaises    Diabète au Maroc : Plus de 2,7 millions d'adultes et 25 000 enfants affectés    Une météorite lunaire découverte au Mali mise aux enchères    Faune africaine. Les éléphants en voie d'extinction    Températures prévues pour le vendredi 15 novembre 2024    Maroc-Arabie saoudite : signature de trois accords pour renforcer la coopération dans le domaine pénal    BOA lance la 1ère édition des « Escales de l'Immobilier »    Trump nomme Marco Rubio au poste de secrétaire d'Etat    Le parti de Donald Trump s'assure la Trifecta    Fondation & Galerie Banque Populaire 3e édition : Quand l'art s'invite en résidence    Interview avec Sonia Okacha : « Au cinéma, l'apprentissage est une bobine qui ne cesse de tourner »    Tourné au Maroc, «Gladiator II» de Ridley Scott sort dans les salles nationales    Au Brésil, le Maroc élu vice-président de l'Assemblée générale de l'ICOMOS    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Giroud, Une femme nommée passion
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 24 - 01 - 2003

Témoignage. Ghizlane Mouline, journaliste marocaine exerçant et vivant à Paris, a mille passions. L'itinéraire de Françoise Giroud, qui vient de disparaître, ne peut que l'inspirer. Elle a confié sa réaction à ALM.
Nous devons toutes quelque chose à Françoise Giroud. A nous, les femmes, toutes générations confondues, elle a apporté un peu de ce XXè siècle, qui lui colla à la peau, qu'elle épousa, et dont elle fut, à sa manière, distinguée et altière, une égérie. Belle, courageuse et digne.
Pour toutes celles qui, un jour, ont choisi d'écrire pour raconter, faire partager et comprendre «la rumeur du monde », elle fut plus encore. Le souffle de la liberté.
On lui doit tant à Françoise Giroud, la plus intellectuelle des autodidactes, Femme, Combattante, Pionnière.
Abîmée, trahie parfois, mais toujours debout.
De ce XXè siècle de toutes les fureurs, elle est l'incarnation. Un vrai personnage de roman. Fille d'immigrés russo-turques, issue d'une famille bourgeoise désargentée, orpheline de père à 8 ans, elle doit très tôt gagner sa vie. Subtile et racée, cette jeune fille singulière devient script-girl…sur le « Fanny » de Marcel Pagnol et «La grande illusion » de Jean Renoir, fréquente à 16 ans Marc Allegret, Antoine de Saint-Exupéry. Puis, elle connaît la guerre, la résistance, les prisons, la déportation de sa sœur. Elle fut fille-mère aussi, d'un enfant qu'elle avouera, suprême douleur, n'avoir que peu aimé, dévorée qu'elle était par son travail, et qui mourra, à 25 ans…
Pendant la guerre, elle rencontre la plus grande de ses passions, celle qui primera sur tout : le journalisme. « De toutes mes vies, ma préférée », dira-t-elle. Elle dirige auprès d'Hélène Lazareff, le premier magazine féminin «qui pense», «Elle », avec une mission: libérer la femme, en lui expliquant l'hygiène, la beauté, comment se faciliter la vie, se délivrer des carcans. Le magazine est devenu une institution. Et puis en 1953, par amour pour un homme, Jean-Jacques Servan–Schreiber, elle crée avec lui, «l'Express », le premier news-magazine français, la référence absolue, une arme de combat anti- Algérie française, où elle fait écrire les plus grands, Mauriac, Camus, Sartre.
Pendant vingt ans, première et seule femme à diriger un organe de presse, elle fait tout, dirigeant, animant, écrivant, réécrivant, refaisant le journal des nuits entières, détectant les talents, suscitant des vocations, vulgarisant les articles souvent obscurs des universitaires, avec un insatiable appétit, une volonté inflexible, une santé de fer et un charme infini.
Comme elle est inclassable, elle accepte en dépit de son attachement à la gauche (partisane de Pierre Mendés-France, elle est aussi une amie de François Mitterrand), d'être ministre de la Condition féminine en 1974, un ministère créé pour elle par Valéry Giscard d'Estaing. Parce qu'elle sentait qu'elle pourrait y faire avancer sa cause, celle des femmes.
Elle sera aussi ministre de la Culture. Mais, en 1977, elle abandonne la politique, pour s'adonner à sa passion de toujours, l'écriture. Biographe prolixe, romancière à succès, elle publiera une vingtaine d'ouvrages, surtout des biographies de femmes, Marie Curie, Alma Malher, Jenny Marx, Lou-Andrea Salomé, des documents (les Françaises), ses mémoires «Arthur ou le bonheur de vivre », et « On ne peut pas être heureux tout le temps », son « journal d'une parisienne ». Elle sera aussi membre du jury Fémina .. Mais, toujours, elle restera journaliste. Curieuse de tout. Elle considérait «qu'être journaliste était un privilège, qu'on devrait payer et non être payé pour exercer ce métier, car le journalisme consiste à épouser l'Histoire ». Editorialiste au « Nouvel Observateur », sa plume acérée fera les délices des lecteurs jusqu'à la veille de sa mort.
Elle a été aussi de ces femmes, immensément femmes, parce qu'immensément humaines. Belle.
Féminine. Forte et fragile. Follement amoureuse et trahie par son grand homme, Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui la délaissera pour en épouser une autre. En proie vers la quarantaine aux affres de la dépression. Suicidaire, elle sera sauvée par Jacques Lacan, qui deviendra son analyste. Elle vivra une belle histoire avec Alex Grall, célèbre éditeur, féru d'art contemporain, qu'elle aidera, le moment venu, à mourir. Sa fille, Caroline Eliacheff est une brillante psychanalyste pour enfants. De son propre aveu, elle fut aussi une grand-mère gâteau. Et une amie fidèle, une fine cuisinière. Ses déjeuners en tête à tête étaient les plus courus de Paris… Parce qu'elle était aussi une vraie parisienne, amoureuse des arts et des spectacles, de celles qui vous éclairent une soirée par sa conversation subtile, son regard pétillant, son sourire enjôleur et son humour caustique . Pourtant, parfois, on s'est surpris à ne plus la supporter, Françoise Giroud, de vivre tout cela et de savoir le vivre, de le raconter aussi, avec tant de pudeur, d'élégance et de clarté. Le fruit de son immense talent. D'un travail acharné aussi, elle qui ne croyait qu'au labeur. Qui n'aimait que cela. Splendide «leçon » dans un métier qui vénère les brillants dilettantes et méprise les besogneux. Elle aura été les deux, esprit brillant qui attirait à soi la lumière et travailleuse de l'ombre.
Souvent, on se prenait à la détester aussi, pour ses avis tranchants, ce parisianisme moqueur, ce côté «donneuse de leçon », cette cruauté polie, ce sentiment diffus qu'il valait mieux être de sa paroisse. On sentait sans la connaître, son mépris glacé souffler dans notre dos. Mais toujours, on était fasciné par ce regard lumineux, ce phrasé distingué, cette plume acérée, cette écriture serrée, cette impression qu'elle donnait de n'être jamais dupe, de rien ni de personne, cette suprême dignité aussi. On l'a aimée, Françoise Giroud, pour son combat pour les femmes, toujours renouvelé, cette vigilance, ce sens de la formule, qui lui faisait dire non sans malice, « que l'égalité homme-femme n'existera, que lorsqu'à un haut poste de responsabilité, on acceptera qu'une femme soit aussi incompétente qu'un homme ». Dénuée d'indulgence, elle méprisait celles qu'elle appelait « les bonnes femmes », les plaintives. « La féminité n'est pas une incompétence, elle n'est pas non plus une compétence » aimait à dire cette coriace, qui a formé des générations de femmes journalistes, dans un métier où elles n'étaient pas légion. Elles en ont fait leur modèle. On l'a aimée, Françoise Giroud, quand, la première, dans « la comédie du pouvoir », (1977) elle osa briser le tabou et raconter par le menu les allées du pouvoir, les Conseils des ministres et les hypocrisies du monde politique. On a aimé aussi que cette intellectuelle éclairée, ose dire haut et fort, bien avant que cela ne soit à la mode, son goût pour le sport en général et le football en particulier. Elle a toujours osé, Françoise Giroud. Elle a eu tous les courages, toujours, des plus grands aux plus infimes, toutes les insolences. On ne choisit pas sa mort. Pourtant, à l'instar d'une Pamela Harriman, ambassadrice des Etats-Unis, morte, comble du chic, après avoir effectué, à près de 80 ans, quelques longueurs dans la piscine de l'Hôtel Ritz, Françoise Giroud est décédée des suites d'une chute à l'Opéra Comique, où elle venait d'assister à une première. Parisienne raffinée et curieuse de tout jusqu'au bout. Ultime geste d'élégance de celle qui aimait à dire d'elle-même :« Je ne suis pas une femme convenable ». Bien plus que cela , Madame, une Grande Dame.
• Ghizlane Mouline
[email protected] mailto:[email protected]


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.