Ce qui était au départ une simple polémique et qui pouvait tout à fait faire l'objet de mini-colloques confidentiels sur le thème de «Création et conscience», sur le ton de «Liberté sans conscience….» et autres ruines de l'âme et de l'esprit, est en train de se muer en une vaste confrontation, d'anathèmes… Ce qui était au départ une simple polémique et qui pouvait tout à fait faire l'objet de mini-colloques confidentiels sur le thème de «Création et conscience», sur le ton de «Liberté sans conscience….» et autres ruines de l'âme et de l'esprit, est en train de se muer en une vaste confrontation, d'anathèmes, de mises en causes violentes, de menaces d'inquisition, de bûcher et de lapidations en tout genre… Cela pourra, d'ailleurs, tout à fait inspirer quelques scenarii pour rafraîchir le souvenir d'Ibn Rochd, version Youssef Chahine, ou «Le nom de la rose», version Jean-Jacques Annaud, ou mille autres faits qui ont eu à affronter la menace ou les diatribes des censures et qui se sont transformés en œuvres filmées. Le débat autour de la levée de boucliers des Islamistes, notamment à travers l'activisme des députés du PJD et des médias navigant dans la mouvance intégriste, contre le dernier long métrage du cinéaste Nabyl Ayouch, suscite un certain nombre de remarques sur lesquelles on ne peut de toutes manières pas faire l'impasse. En premier lieu, il est absolument navrant de voir certains «débatteurs» considérer que le seul argument qu'ils peuvent verser dans le dossier épineux de l'indigence de notre production cinématographique est une paire de ciseaux, en attendant de prospérer vers la faux, le sabre et autres instruments de dé-création, aiguisés et dangereusement contondants. Pour ceux-là, il serait judicieux de rappeler que la civilisation musulmane n'a produit ce qu'elle a produit de meilleur, en poésie, en prose, en rhétorique, en récits épiques, voire en littérature érotique qui fait l'une des fiertés de la création esthétique en Orient musulman, que grâce au climat de liberté pour les artistes et créateurs de tout genre, leur épanouissement, la protection et la bienveillance dont ils ont joui auprès des pouvoirs en place. En rappelant aussi, que les détenteurs de ce pouvoir profane, à l'époque, étaient toujours très liés, voire assujettis, aux autorités spirituelles et aux protecteurs du dogme. Il n'y a là aucune forme de contradiction. Comme il est également nécessaire de rappeler, mais cette fois-ci à ceux qui considèrent que la scabreux, le pornographique et l'exhibitionnisme sont des valeurs sûres pour traduire l'audace dans la création et l'accès à la postérité auprès d'un public présumé voyeur et un peu salace sur les bords, que l'art ne se limite certainement pas à des expédients de ce genre. Au final, et parce qu'en dehors de la nécessaire protection due aux mineurs, la tutelle sur le public adulte et son infantilisation est contradictoire avec les valeurs de liberté et du libre-arbitre. Il n'y a pas pire procédé, tant du point de vue pédagogique, que spirituel ou civique, que la censure. En dehors de cet a priori sur lequel il faut espérer, un jour, rassembler un large consensus, ce seront les spectateurs, le public et accessoirement les critiques spécialisés qui décideront du véritable sort d'une œuvre cinématographique. Et certainement pas les inquisiteurs, lestés d'une épaisse et hermétique ignorance en la matière.