Des organisations américaines de défense des libertés individuelles font état de "détentions et déportations de nombreux Arabes et Musulmans", affirmant que les immigrés sont devenus, eux aussi, des victimes des attentats du 11 septembre 2001. De nombreuses organisations américaines de défense des droits civiques ont vivement critiqué, mardi soir à Washington, les nouvelles mesures "sélectives" d'enregistrement auprès des services de l'immigration concernant les ressortissants arabes et musulmans vivant aux Etats-Unis. Lors d'une rencontre d'information organisée à l'université Georgetown par le Comité de lutte contre la discrimination (organisation des Arabes américains) avec le concours du Centre des études arabes contemporaines, M. Timothy Edgar, de l'American Civil Liberties Union, une ONG de défense des libertés individuelles, a fait état de "détentions et déportations de nombreux Arabes et Musulmans", affirmant que les immigrés sont devenus, eux aussi, des victimes des attentats du 11 septembre 2001. "Des immigrés légaux sont convoqués par les autorités et contraints de fournir des informations personnelles", a-t-il dit, précisant que les nouvelles dispositions prises par le département de la justice "n'allaient que dilapider d'importantes ressources qui devraient, en principe, être mobilisées pour la lutte contre le terrorisme". Selon les nouveaux règlements de l'immigration des Etats-Unis, les ressortissants de presque tous les pays arabes et de la majorité des pays musulmans doivent se faire inscrire "volontairement" auprès des Services d'Immigration et de Naturalisation (INS) dans un délai précis ou courir le risque d'être en situation irrégulière. Dans le cadre de cette loi, les ressortissants des pays concernés doivent se présenter dans les bureaux de l'INS pour y être interrogés, sous serment, par des responsables qui prennent leurs empreintes digitales ainsi que leurs photographies. Cette mesure concerne les étudiants, les personnes résidant aux Etats-Unis avec des visas touristes longue durée et leurs familles, sans compter d'autres cas particuliers. Ces nouvelles exigences concernent les visiteurs de sexe masculin, âgés de 16 ans ou plus, arrivés aux Etats-Unis avant le 30 septembre 2002 et envisageant d'y rester au moins jusqu'au 10 janvier prochain. Les diplomates, les représentants d'organisations internationales, les demandeurs d'asile politique, les résidents permanents titulaires de la carte verte ou ceux qui sont citoyens américains ne sont pas concernés par ces dispositions qui entrent dans le cadre d'un "programme spécial d'enregistrement". "Ces mesures sont contre les valeurs de l'Amérique", a ajouté M. Timothy, remettant en question les critères sur lesquels le département de la justice a basé cette décision. De son côté, M. Donald Kern, directeur de la Catholic Legal Immigration Network, a dénoncé les "détentions massives" d'immigrés et la "violation de leurs droits civiques". "Au lieu de se rapprocher des immigrés qui peuvent s'avérer très utiles dans la lutte contre le terrorisme, on est en train de prendre des initiatives qui suscitent la méfiance des minorités", a-t-il déploré. Pour sa part, Mme Shoba Sivaprasad, du Forum National de l'Immigration, s'est dite très préoccupée par les décisions prises par le ministre de la Justice, affirmant que "l'Amérique est un pays d'immigration" et ne peut se permettre une telle politique visant la communauté arabe et musulmane. Quant à Mme Jenna Evans du service de l'INS, elle a affirmé que "ces mesures prises entrent dans le cadre de la loi anti-terroriste", soulignant que son département "s'acquittera de sa mission conformément aux dispositions de la loi tout en respectant les droits des personnes concernées". Elle a, en outre, évoqué les contraintes posées à son département par l'insuffisance du personnel et appelé les ressortissants des pays concernés à venir s'enregistrer avant la fin des délais afin d'éviter toute difficulté. De nombreux avocats spécialisés dans les affaires d'immigration,qui ont ,eux aussi, assisté à cette rencontre, ont surtout souligné l'inquiétude qui prévaut parmi les immigrés dont le statut est en cours d'examen. Les avocats ont expliqué qu'un grand nombre d'immigrés hésitent à se présenter aux bureaux des services d'immigration de peur d'être arrêtés, ou bien s'abstiennent et risquent alors l'expulsion.