Amina sera, mercredi 29 janvier 2003, devant la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Rabat, face à face avec son violeur et père de son enfant, mort quelques jours après sa naissance. Elle sera devant son frère ! Mi-août 2002 à Guercif. Amina, dix-sept ans, est seule chez elle. Ses yeux donnent l'impression que le sommeil n'a plus envie d'elle depuis des nuits. Ses larmes coulent en flots bien qu'elle n'ait pas envie de pleurer. Elle se lève de temps en temps pour se rasseoir. Elle hésite encore de prendre une décision finale. «Le tuer ? Non, je ne peux pas…Me suicider ?…Non, c'est illicite…», s'interroge-t-elle. Elle devait arriver à une solution dans quelques secondes. Sinon, l'arrivée de sa mère ou de son frère l'obligera à reporter, une fois encore, la prise d'une décision. «C'est mieux de voyager chez ma cousine à Sidi Taïbi (région de Kenitra), elle prendra sans doute soin de moi», pense-t-elle. Amina monte dans le car. Elle n'arrive pas à retenir ses larmes durant tout le trajet au point qu'elle a attiré l'intention de quelques voyageurs. Mais elle s'est abstenue de leur confier son secret. Amina arrive chez sa cousine, lui révèle qu'elle a fugué de chez elle. «Mes parents ne savent rien…», lui affirme-t-elle. La cousine lui demande de se calmer et de lui raconter son malheur pour qu'elle l'aide à trouver une solution. «Mon problème n'a plus de solution…J'ai été violée par un jeune homme que je ne peux pas nommer et je suis maintenant enceinte de cinq mois…Je te supplie de m'aider», lui confie-t-elle. La cousine s'engage à l'aider sans répit et lui promet de ne pas aviser ses parents. Amina se sent plus ou moins soulagée, bien que le nourrisson, qui a grandi dans son ventre, lui rendre la vie sombre. Elle devait trouver une solution. Une semaine plus tard, une amie de la cousine vient lui rendre visite. Au cours de leur conversation, Amina lui a raconté son histoire. « Ta cousine sait que je cherche un enfant pour l'adopter et je crois que c'est l'occasion », propose l'amie de la cousine. Un sourire vient d'orner, pour la première fois, le visage d'Amina. Elle se lève pour l'embrasser fortement. L'amie de la cousine retourne chez cette dernière quelques jours plus tard. Elle n'était pas seule, mais en compagnie de son frère ; un jeune, la trentaine, célibataire, gardien de voitures de son état. «Je crois que mon frère ne trouve pas mieux que toi pour se marier», lui confie l'amie de la cousine. Très heureuse, Amina accepte la proposition sans penser que le futur nouveau-né ne sera pas loin d'elle. Octobre 2002. Amina commence à ressentir des douleurs à son septième mois de grossesse. Elle a été évacuée à l'hôpital pour faire un accouchement précoce. Le futur mari n'a pas hésité à se présenter comme le père du garçon. Après quelques jours sous le contrôle médical, le nouveau-né a été confié à sa mère, qui, à son tour, l'a livré à sa future belle-sœur pour l'adopter. Seulement, il a rendu l'âme vingt jours plus tard. De bouche à oreille, «l'enfant est adoptif» arrive à la police judiciaire qui convoque les futurs mari et belle-sœur, la cousine et Amina. Au commissariat de police, le voile est tombée. Tout le monde reste bouche-bé en écoutant l'histoire d'Amina. «C'était en mars 2002, j'étais seule avec mon frère, âgée de 20 ans, à la maison…Tout à coup, mon frère était devant moi tout nu avec un couteau à la main, me demandant de me déshabiller…», déclare-t-elle. Elle refuse. Il la menace de la tuer avance vers elle lui ôte les vêtements et la viole. Depuis, il ne cesse pas de la violer. «Je te tue si tu racontes quelque chose à mes parents», la menace-t-il. Un mois plus tard, elle est tombée enceinte. Elle lui a demandé de la sauver, en procédant à un avortement. Il était sourd, il n'en voulait qu'à ses désirs. «J'ai pensé à le tuer, à me suicider, mais je suis arrivée à choisir la fugue», affirme-t-elle. La police s'est dépêchée vers Guercif et a coffré le frère incestueux. Et Amina ? Les mauvaises langues s'interrogent sur le fait qu'elle n'a pas dénoncé son frère à ses parents en laissant ses cauchemars lui ronger la vie.