Le XXIème Forum international de Réalités s'est tenu le 26 avril à Hammamet En Tunisie, comme au Maroc, les relations avec le partenaire historique qu'est l'Europe sont plus que jamais l'objet de questionnements profonds. Du côté de la rive sud de la Méditerranée, et plus particulièrement des pays de voisinage immédiat de l'espace européen, notamment le Maroc et la Tunisie, l'heure est plutôt à la réinvention des relations et du cadre de partenariat. Et c'est à juste titre si les organisateurs du XXIème Forum international de Réalités, qui s'est tenu à Hammamet en Tunisie, ont choisi pour l'édition de 2018 la thématique intitulée «Un nouveau cadre pour le partenariat euro-méditerranéen». Une rencontre à laquelle ont été conviés des experts de divers horizons et pays pour échanger durant une journée sur ce qu'il y a lieu de faire pour repenser ce partenariat. Et d'emblée, en ouverture du forum, c'est Taieb Zahar, président du forum mais également patron du groupe de presse tunisien Réalités qui organise la manifestation depuis plus de 20 ans, qui a planté le décor en affirmant sans ambages que «le cadre actuel est inégal en défaveur des pays de la rive sud». Pour M. Zahar, il est évident que l'une des manifestations qui illustrent parfaitement les difficultés majeures aujourd'hui réside dans «le dilemme entre la circulation des biens et la mobilité des personnes». Allusion est faite bien entendu à l'épineuse question migratoire mais aussi à la complexité des procédures d'octroi des visas. Comment rééquilibrer ce partenariat et lui redonner un cadre plus propice à un développement harmonieux des deux côtés de la Méditerranée ? Comment activer les leviers de synergie qui permettraient à l'Europe de mieux appréhender ses relations avec le continent africain à travers des pays clés qui peuvent jouer le rôle de hub, comme la Tunisie ou le Maroc ? Telles sont les réflexions par lesquelles le patron de Réalités a conclu ses propos en ouvrant le débat à d'autres intervenants. Senen Florensa, président de l'Institut européen de la Méditerranée et de l'assemblée générale d'Euro Mesco, a pour sa part apporté la réplique quant aux craintes ou la méfiance que peuvent nourrir les pays de la rive sud à l'égard de l'Europe. Pour avoir été un observateur privilégié du cas espagnol, Senen Florensa a rappelé que l'Espagne était dans une situation similaire à la veille de son entrée dans l'Union qui suscitait la peur de voir l'économie s'effondrer face à la compétition. Non seulement il n'en fut rien, explique M. Florensa, mais en plus l'économie espagnole protectionniste auparavant et les entreprises ibériques sont sorties gagnantes de cette ouverture. Des propos que va corroborer un autre grand témoin invité au forum, à savoir l'ancien président roumain Traian Basescu. Ce dernier, pour avoir lui aussi été aux premières loges au moment où la Roumanie faisait son entrée dans l'Union européenne, n'a pas nié que pour son pays, «l'intégration totale à l'UE était l'option la plus risquée, la plus difficile à court terme mais la plus courageuse aussi et surtout la meilleure option à long terme». L'homme qui a piloté l'arrimage de la Roumanie à l'Europe reconnaît que cette intégration a eu un coût élevé au début, notamment pour le secteur industriel et l'agriculture. Et de conclure, comme le fait l'ancien président roumain, que la réussite de l'intégration avec l'Europe est d'abord et avant tout une question de mentalités qu'il faut révolutionner. «Il faut quotidiennement et sans relâche expliquer à la population, aux opérateurs économiques le sens des réformes, les nouvelles règles du jeu, les concessions et sacrifices nécessaires pour pouvoir tirer des bénéfices à long terme», conclut Traian Basescu comme dans une sorte de message adressé aux pays de la rive Sud. Le fait est que la Tunisie comme le Maroc font partie de ces pays du Sud qui, quoi qu'on dise, réussissent le mieux leur partenariat avec l'Europe. Des relations qui ne sont pas de tout repos à cause de la complexité de la construction européenne elle-même. Et c'est en parfaite connaissance de cause que l'ambassadeur du Maroc à Rome, Hassan Abouyoub, a mis en exergue les contradictions de l'Europe, cet ensemble qu'on pourrait croire, à tort, homogène, uniforme et performant. «L'Europe ne sait pas négocier avec des ensembles et des groupes mais seulement avec des pays de manière bilatérale», en donne pour exemple M. Abouyoub. Il n'empêche que pour ce dernier, la révision du cadre de partenariat avec l'Europe passe inévitablement par une intégration au Maghreb. Ce qui, malheureusement, est loin d'être le cas aujourd'hui. Cela dit, et du moins pour ce qui est de la Tunisie et du Maroc, il y a un semblant de convergence et d'accord aussi bien sur les diagnostics que sur les voies d'amélioration pour un partenariat avec l'Europe plus adapté, plus équilibré et prenant en compte les intérêts communs des deux côtés de la Méditerranée...