Le Kenya connaît sa première alternance en 39 ans d'indépendance. La crise économique, la corruption et la gabegie ont rendu incontournable l'avènement d'une nouvelle majorité. Aux élections législatives, la coalition des partis d'opposition qui a remporté les présidentielles était hier en tête avec 114 sièges contre 42 pour le parti Kanu et 16 pour des partis mineurs. Arap Moi, qui n'a accepté qu'à contrecœur , l'instauration du multipartisme en 1991, est apparu résigné à la défaite de son poulain, fils aîné du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta, qui a lui-même fait Moi président. Le Kenya a ainsi opté pour l'alternance en portant au pouvoir l'opposition, à l'issue des élections générales de vendredi. L'élection à la présidence de son leader Mawai Kibaki met fin à 39 ans de regne sans partage de la KANU, le parti du président sortant Daniel Arap Moi, resté 24 ans au pouvoir. Son candidat, Uhuru Kenyatta, a subi une cuisante défaite. La victoire écrasante de l'opposition scelle ainsi la première alternance politique de l'histoire du Kenya. Le parti KANU était, jusqu'en 1991, le parti unique depuis l'indépendance de la colonisation britannique. Il a été dirigé par son fondateur Jomo Kenyatta jusqu'à sa mort en 1978. Ce n'est qu'en 1997 que l'opposition avait réussi à percer avant de triompher, enfin, vendredi. Le nouveau président, Kibaki est un vétéran de la politique kenyane. Il a servi le pouvoir pendant 25 ans avant de basculer dans l'opposition lors de l'entrée en vigueur du multipartisme. La tâche lui y a été facilitée par le président sortant. Ce dernier avait imposé à la KANU la candidature présidentielle d'Uhuru Kenyatta, politicien débutant provoquant l'implosion du parti dont nombre de barons l'avaient quitté pour rallier l'opposition. Quatre candidats étaient en lice pour la présidentielle qui se tient en même temps que les élections législatives et locales. L'impact des récentes évolutions politiques du pays ajouté au soutien de barons démissionnaires du parti KANU ont facilité la victoire de Kibaki. La lutte contre la corruption, le redressement de l'économie et les réformes politiques et sociales sont au cœur des chantiers qui attendent le nouvel élu. Les Kenyans, gravement touchés par la crise économique, se sont massivement tournés vers l'opposition. La situation de l'économie s'était beaucoup dégradée durant les dernières années de pouvoir de Moa. Le Kenya a même connu en 2000 sa première recession depuis 1963. Kibaki, le nouveau président, qui fut étudiant en économie à Londres et ministre des Finances, a promis de remettre sur pied cette économie, qui ne se développe qu'à raison de 1,2 % l'an et où les secteurs théier et caféier souffrent de la corruption et d'une mauvaise gestion. Plus de 50 % de la population kenyane vit avec moins d'un dollar par jour. La Commission électorale devait proclamer les résultats officiels hier à 12 heures GMT. À cet instant précis, Kibaki deviendra président et Moi cessera de l'être. Mais, ce n'est qu'aujourd'hui que le nouveau président prend ses fonctions. Pour les kenyans, il était plus important de chasser le parti Kanu du pouvoir que d'y installer Kibaki. Moi a aussi fait un mauvais choix concernant le choix du candidat de son parti à sa succession.