Bourse de Casablanca : clôture en hausse    L'ONU se dit "très perturbée" par les violences à Amsterdam    Violences à Amsterdam : L'UEFA va ouvrir une procédure    Al Ain : Leonardo Jardim nouvel entraîneur de Soufiane Rahimi    Le Médiateur annonce la fin de la crise en médecine    Interview avec David Rigoulet-Roze : "L'élection de Donald Trump est loin d'être une surprise"    Trump nomme Susie Wiles, directrice de sa campagne, cheffe de cabinet à la Maison Blanche    Joe Biden confirme sa participation au Sommet du G20 à Rio de Janeiro    La Corne de l'Afrique compte plus de 20 millions de déplacés en octobre    Investissement, climat des affaires… le ministère poursuivra les chantiers en cours    Assurance : Les courtiers et agents proposent désormais des services financiers de proximité    Journée mondiale de la science : l'ICESCO souligne l'importance de la diplomatie scientifique    Après 11 mois de crise, les étudiants en médecine et pharmacie cessent leur mouvement de grève    Russie: Des cas isolés de virus Coxsackie enregistrés dans le sud-ouest    Grippe aviaire : La France passe en risque « élevé »    Températures prévues pour le samedi 09 novembre 2024    Coopération. La Mauritanie et le Sénégal renforcent leurs liens    Sahara marocain : l'ONU doit trancher    Interpol pour l'Afrique : le Maroc élu vice-président    Xi Jinping met l'accent sur un développement de haute qualité du travail social    L'Alliance des Etats du Sahel lance sa stratégie de défense    Inondations en Espagne : 5 décès parmi la communauté marocaine    Le conseil provincial de Guelmim adopte son budget pour 2025    HCP : les données du recensement enfin dévoilées    Europa League. J4: El Kaâbi buteur, En-Nesyri manque un penalty !    Lions de l'Atlas : Les raisons derrière l'absence de Hakim Ziyech    Rallye Dakhla-Guerguerat 2024 : célébration de la marocanité du Sahara et de l'histoire automobile    Amina Dehhaoui : La championne de taekwondo venue du Souss    LDC (F) : la vidéo promotionnelle de l'AS FAR postée par la CAF !    Industrie minière : Aya Or & Argent démarre le traitement du minerai à Zgounder    Authentification des autorisations : un nouveau dispositif à l'Office des changes    Mezzour et son homologue de la RD-Congo en discussion stratégique à Francfort    Renforcement de la gouvernance des finances publiques : Fettah à l'œuvre    Mbarka Bouaida : « La position française rétablit une certaine justice envers le Maroc »    Facultés de médecine : La fin de la crise    Séisme de 2023 : 63 766 familles bénéficiaires de l'aide financière mensuelle jusqu'au 25 octobre    La Biennale de l'art africain contemporain de Dakar démarre    Salon international du livre de Sharjah : Le patrimoine culturel du Maroc à l'honneur !    Botola DII. J6 (acte I): Les co-leaders en déplacement, la lanterne rouge à domicile ce vendredi    Casablanca à l'heure du 21ème salon international du textile "Maroc in Mode"    « Houris », le roman qui a valu le prix Goncourt à Kamal Daoud    Le temps qu'il fera ce vendredi 8 novembre 2024    FIFM 2024 : Découvrez la sélection des 70 films venus de 32 pays    FIFM 2024 : Luca Guadagnino à la tête d'un jury international pour décerner l'Étoile d'or    Le Maroc des cultures, invité d'honneur au Salon du livre de Sharjah    Michaël Gregorio présente « L'Odyssée de la Voix » au Théâtre Mohammed V de Rabat    Après le discours royal, Aziz Akhannouch préside une réunion axée sur la gestion des affaires des MRE    A vélo, Khalid Aboubi met en lumière l'Histoire des rues de Marrakech    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la culture au sport
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 27 - 12 - 2002

Parcours. Boubacar Traoré, plus connu sous le nom d'artiste de « Kar Kar », est un bluesman malien dont les mélodies ont conquis l'Europe et les Etats-Unis. Mais avant d'être une vedette de la télévision, il a été un virtuose du ballon rond.
Il est connu comme bluesman aux Etats-Unis et en Europe. Mais avant cela, il a d'abord été footballeur. A 62 ans, le bluesman malien, Boubacar Traoré, garde une allure athlétique et un regard vif. Particulièrement doué pour le football, le jeune Boubacar fut renvoyé de l'école car il ne revenait pas à la fin des récréations, trop occupé à jouer. Il hérita du sobriquet de Kar Kar, «le dribbleur», en bambara. Le foot aurait dû lui donner la gloire, le succès, l'argent. C'est ce qu'il avait rêvé.
Dès le plus jeune âge, Kar Kar s'est senti incompris. A 18 ans, il jouait de la guitare électrique, vêtu de jeans et de chaussures à bout pointu. A l'époque, on l'appellait le Johnny, l'Elvis du Mali. Lui, il s'imbibe de James Brown, d'Aretha Franklin, des Chaussettes noires, de Bill Haley. Le Mali est dans l'effervescence de l'indépendance. C'est la fête, le rock'n roll et l'espoir de la révolution. Kar Kar, à la guitare, fait swinguer le pays. Ses tubes s'enchaînent : Mali Twist, Kayes Ba. Chaque matin, la radio diffuse la chanson où il s'exclame comme le chant du coq «Maliens, levez-vous, travaillez !». C'est joyeux et colle à l'air du temps où le pays est enthousiaste. Kar Kar ne touche aucune royaltie, n'a pas de quoi s'acheter des cigarettes mais il est une idole nationale, aussi important que le président Modibo Keïta. Il finit par gagner sa vie en jouant dans le club Santa-Maria à Kayes. «Les filles se cassaient les bras en dansant» , se souvient Kar Kar.
Le rocker malien ne peut pas faire un pas dans la rue sans être assailli. Il roule sur une Vespa qui s'appelle Samedi soir, les filles sont amoureuses ; lui et sa bande vivent une sorte de dolce vita. Kar Kar n'est pas un enfant de chœur. «Le succès c'est pas bon, on croit que tout est permis», confiera-t-il à l'écrivaine néerlandaise, Lieve Joris, qui lui consacre une nouvelle (Mali blues, Actes Sud, «Babel»). Il s'assagit quand il rencontre Pierrette. Belle, élégante, Pierrette sort d'une école de métisses à Bamako quand elle rencontre Kar Kar à la sortie d'un concert. Elle est courtisée par un homme très riche, mais choisira le chanteur au regard triste. Ils ont onze enfants, dont six survivants. Les cinq autres disparaissent de la même manière, la veille en pleine santé, le lendemain morts. La révolution socialiste devient un mauvais rêve, une ère de glaciation. La police ferme les clubs, s'acharne sur le Santa-Maria. Il n'y a plus personne dans les rues, le soir. Kar Kar devient tailleur, cultive un champ, se fait embaucher au ministère des coopératives.
A la maison, Pierrette est le souffre-douleur de sa belle-mère et de sa belle-sœur. Kar Kar s'enfonce dans l'oubli. Les Maliens le croient mort. Il vend des tubes de pommade, des vêtements et des produits made in Hongkong sur une petite table de marché à Kayes. Un jour, Pierrette s'en va, enceinte, épuisée par la pression familiale. Elle accouche à Bandiagara et meurt, quarante jours plus tard. Kar Kar récupère le bébé, anéanti. Il compose une chanson : « Pierrette Françoise, tu m'aimais. Famille et voisins disaient du mal de moi, mais tu m'aimais. Mon amour, je pense à toi ». Il écrit aussi : « L'homme est ainsi. Quand j'étais riche, j'avais des amis. Mais quand je suis devenu agriculteur, ils m'ont abandonné ». Kar Kar est un bluesman, solitaire. Après la mort de Pierrette, Kar Kar va à Paris, couche dans les cuisines d'un foyer Sonacotra et travaille dans le bâtiment.
Certains Maliens le reconnaissent, lui demandent de jouer dans les foyers. Sa voix est de plus en plus triste. Les cassettes circulent. Un producteur anglais, patron du label Stern's, est fasciné par sa pureté et le jeu des cordes (souvent à trois doigts). Il envoie un émissaire le chercher à Kayes. Mais Kar Kar est à Paris, il a peur des djinns, il en a vu dans le métro.
Finalement, l'Anglais et le Malien se rencontrent. Kar Kar enregistre un premier CD en 1990, avant de devenir le protégé de Christian Mousset, directeur du festival Musiques métisses d'Angoulême. La télé malienne annonce : « Kar Kar est vivant ! ». Le pays entier retrouve la joie d'une jeunesse passée. Kar Kar est heureux mais blessé. Sa maison, il l'a construite avec l'argent gagné à Paris : six pièces au pied de la falaise de Lafiabougou, près de la rôtisserie Boston, d'un dépôt d'ordures et d'une fonderie artisanale. Au pied de la falaise, les femmes viennent laver le linge dans un filet d'eau. Kar Kar possède d'autres moutons qui se baladent dans les rues. Kar Kar, maintenant, ne veut penser à rien d'autre qu'à son champ.
• Karim Bendaoud
(avec Le Monde)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.