Le football national est devenu un champs de contradictions par excellence. Entre l'argent qui coule à flots et la discipline qui tarde à décoller, les notions d'une gestion rationnelle sont ternies par les pratiques volatiles de dirigeants sans scrupules. Le système amateur de notre football est tellement faux qu'il cache un flux financier assez consistant et un autre caché qui pourrait être plus considérable. Le footballeur marocain n'est pas un amateur puisqu'il touche un salaire mensuel en plus des primes de match et de signature. Le club marocain n'est pas un amateur puisque entre les tribulations du parrainage et du sponsoring, il roule avec un budget annuel dûment établi d'avance. Certes tout est relatif par rapport aux clubs professionnels de l'Europe, mais notre football est très calqué sur celui de l'Europe qu'il génère des droits de retransmissions télévisés, attire des sponsors et rapporte au joueur un support publicitaire. À la différence près que les pouvoirs publics et la commune contribuent financièrement à la gestion d'un club. Il est vrai que ces recettes différent du grand club à celui plus petit, mais tous bénéficient d'une exonération d'impôts dont ne jouissent pas les véritables clubs professionnels d'Europe. Il est vrai que le professionnalisme pur et sûr tarde à prendre forme, mais depuis l'instauration du parrainage dans les années quatre-vingt, le mécénat a été enterré définitivement. Même si le parrainage par les entreprises publiques a été opéré d'une manière discriminatoire par les pouvoirs publics qui ont privilégié quelques équipes au détriment la majorité. Le favoritisme, le clientélisme voire le régionalisme ont prévalu sur les critères de choix objectifs. La position et le poids de l'équipe sur l'échiquier footbalistique nationale, son histoire et son palmarès n'ont pas été retenus comme vecteurs de l'image de l'entreprise publique parraineur. Encore faut-il rappeler que ce parrainage inéquitable a creusé un grand fossé pour créer de graves disparités sportives entre les clubs. Il y avait les riches qui percevaient entre 2 à 10 millions de dirhams par an et ceux qui géraient avec les moyens du bord : l'aumône. Ceci étant le parrainage a eu le mérite de mettre un peu d'ordre dans la gestion des clubs quand les représentants des sociétés étatiques ont commencé à demander des comptes aux dirigeants des clubs. L'anarchie qui régnait dans les dépenses a été momentanément atténuée même si certains parraineurs ont fini par claquer la porte devant la gestion «à l'épicerie» de nos dirigeants. Entre-temps le football national a commencé à percer dans les compétitions internationales notamment la coupe du monde. Cette notoriété a permis aux entreprises privées de cibler son marketing dans le football dont la popularité est inégalable. Via la télévision, le sponsoring du secteur privé a pris de l'ampleur, mais il a été bloqué par les dysfonctionnements d'un système qui est ni amateur, ni professionnel. À tel point que les responsables de notre football se sont confondus dans des appellations aussi stupides que le non-amateurisme ou le semi professionnalisme. La fédération a tenté une expérience avec un grand opérateur mondial du sponsoring sportif qu'est le groupe français J.P Darmon. Au premier essai, le contrat n'était pas attrayant même s'il rapportait un argent de plus aux caisses terriblement vides de la FRMF. Ce contrat qui s'est étalé de 1996 à 2000 permettait au groupe Darmon de prendre une commission de 40 % sur l'argent qu'il génère et verser à la FRMF le reliquat soit 60 %. Le deuxième essai fut plus mieux négocié, mais le contrat n'ira pas à son terme puisque Darmon a demandé sa résiliation. Les termes du contrat stipulaient que le groupe français verse un montant minimum de 30 millions de dirhams par an durant quatre années. Cette somme devrait être versée par mensualité en plus d'une commission sur les recettes générées par le sponsoring. Mais cette manne d'argent n'a jamais été perçue puisque l'agent Darmon s'est retiré à l'amiable en estimant qu'il perdant dans l'affaire. Une défaillance qui a déséquilibré les finances de la fédération qui a été obligée de créer une commission de marketing chargé de vendre le produit marocain. La semaine dernière cette la FRMF a signé un contrat d'équipementier avec la célèbre marque Nike, qui lui permet de bénéficier des équipements des équipes nationales. La firme s'est engagée aussi à verser une compensation de base à la fédération et un bonus en fonction des résultats des équipes nationales. Le groupement National de football (GNF) vient d'avoir un accord de principe avec la chaîne de la télévision ART pour la retransmission des matchs du championnat. Si le contrat de trois ans arrive à être concrétisé, le GNF percevrait, comme droits de retransmissions télévisés, 600 mille dollars pour la saison en cours, 700 mille pour l'année suivante et un million de dollars pour la troisième année. C'est dire qu'il existe beaucoup d'opportunités sur le marché financier du football, à condition qu'il soit dirigé par des gestionnaires. Ceci étant, les dirigeants ont trouvé une source de financement providentielle qui est celle des transferts à l'étranger. Même si leur force de négociations n'est pas encore en pointe, ils ont «vendu» ou «prêté» à des clubs professionnels étrangers à des sommes qui ont dépassé parfois le milliard de centimes par joueurs. Ceux qui évoluent dans le championnat national ne sont pas du reste puisqu'ils peuvent percevoir entre salaires et prime un montant moyen de 20000 dirhams par mois. Sans oublier, bien sûr, les primes de signatures délivrées par tranches qui varient en 100000 et 150000 dirhams par an. Faites le calcul, les joueurs du football touchent plus qu'un haut cadre de l'administration ou du privé. Autant dire que l'argent coule à flots dans notre football, même si tout le monde parle de crise et que sa gestion se fait sans contrôle.